Avant sa visite de rentrée dans un établissement QPV (quartier prioritaire de la ville) d’Angers, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, a tracé les grandes lignes de sa politique. Depuis huit mois à la tête de ce ministère hautement stratégique, elle a dévoilé quelques mesures « époustouflifiantes » dans un entretien au média en ligne Brut et au Parisien. Sa proposition phare : « offrir aux enseignants un cerveau auxiliaire ».
Sept ministres depuis 2022. Pour quel résultat ?
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, sept ministres se sont succédé à la tête de l’Éducation nationale, et peut-être un huitième d’ici la fin de l’année, si le gouvernement Bayrou tombe dans huit jours. Au tableau d’affichage : Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castera, Nicole Belloubet, Anne Genetet (accompagnée d’un ministre délégué chargé de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel, Alexandre Portier) et, aujourd’hui, Élisabeth Borne. Des profils parfois totalement opposés, des wokistes, des touristes ou des potiches, tous – à l’exception de Blanquer, resté en poste durant le premier quinquennat – plus inefficaces ou nuisibles les uns que les autres.
Comme l’écrivait Philippe Watrelot, dans Alternatives économiques, lors de l’avènement tant attendu du gouvernement Barnier, à ce poste où la marge d’autonomie est quasi nulle, on ne nomme que « des seconds couteaux ». Résultat : les annonces des ministres de l’Éducation « relèvent de la gesticulation et du discours performatif ». Nouvelle preuve, ce jour, par Élisabeth Borne.
Éteindre les portables pour mieux se former à l’IA
Installé par Michel Barnier à l’Éducation, l’ex-Premier ministre apportait dans sa musette, voilà huit mois, une mesure forte : l’opération « portable en pause », soit la suppression du portable à l’école. Sans remontée du terrain, dit-elle, elle assure néanmoins que, « dans les prochains mois », la mesure « sera en œuvre dans tous les collèges, en lien avec les collectivités ». On se dit pourtant que ça ne va pas être simple à appliquer, car l’IA est au cœur du nouveau programme d’enseignement, côté profs et côté élèves.
C’est en effet le clou des annonces : « On va proposer aux professeurs une intelligence artificielle pour les accompagner dans leur métier », a dit Mme Borne à Brut. Pas d’inquiétude, cependant, car, « évidemment, à la fin, c’est le professeur qui doit finaliser son cours ». Nous voilà rassurés. Le cerveau de secours servira seulement « à lui débroussailler le travail ». L’IA, poursuit-elle, peut permettre « de mieux comprendre ce qu’un élève a compris et ce qu’il n’a pas compris, où sont ses blocages ». Et lui offrir une consultation psy avec le chatbot ? Dans un temps où l’on peine à recruter, tant en raison du manque de vocations que du niveau général en pleine déconfiture – dans certaines académies, on prend des profs à 5 de moyenne au concours –, on « peut faire [de l’IA] un vrai levier pour faciliter l’apprentissage. Il faut que chacun soit conscient que c’est un peu comme un cerveau auxiliaire : ça ne dispense pas de faire fonctionner son cerveau (sic), d’apprendre à raisonner, d’apprendre à réfléchir. C’est simplement un outil qu’on doit bien savoir utiliser. » Notamment pour détecter les devoirs faits du même métal…
En revanche, Mme Borne ne nous dit pas quelle IA le ministère a privilégiée : ChapGPT, Mistral AI, Gamma, Maia, MidJourney, Kling ? Elle a bien annoncé cet été, sur le site du ministère, qu’un appel à projets de 20 millions d’euros serait lancé pour développer une IA souveraine à l’horizon 2030, mais la rentrée avec les cerveaux de secours, c’est pour demain, pas dans cinq ans ! Elle y précisait aussi que les élèves allaient se voir « offrir un parcours de formation » qui « évaluera les connaissances et les compétences en IA de l’élève, puis lui proposera un programme personnalisé de formation avec des modules sur des thématiques précises ».
La fin du bac pour tous et l’éducation à la vie affective
Deux autres mesures chocs, pour cette rentrée : d’abord, la fin du bac pour tous. Mme Borne l’affirme : nous allons « resserrer les exigences ». Fini le rattrapage à la louche : « Nous allons limiter la possibilité des jurys de remonter les moyennes à 50 points. Donc, un élève qui aura moins de 9,5 ne pourra pas avoir le bac. Jusqu’ici, un candidat pouvait bénéficier, en une ou deux fois, de plus de 100 points », dit Mme Borne.
Quant à l’autre mesure, essentielle à toutes ces têtes blondes ou brunes, peut-être pensez-vous qu’il s’agit, enfin, de leur apprendre à lire, écrire et compter ? Eh bien, non, vous n’y êtes pas ! C’est l’EVARS, le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité. Un enseignement obligatoire en trois séances, et pour les parents qui se montreraient récalcitrants, le ministre a « demandé qu’il y ait, dans chaque établissement et à chaque niveau, une réunion avec les parents d’élèves en début d’année ». Cela, pour « lever toutes les fausses nouvelles » et « rassurer les parents ».
Enfin, et sur ce point ne doutons pas de la vigilance du gouvernement, quel que soit le ministricule qui succédera à Mme Borne, le contrôle des établissements privés sous contrat va « se resserrer ». Plus de 800 contrôles ont déjà été effectués, cette année, sur un objectif de 1.000. Et pour le public, quand est-ce qu’on s’y attèle ?
Imprimer, enregistrer en PDF cet article