Depuis des mois, Dassault Aviation ne cesse de réclamer un changement dans la gouvernance du Système de combat aérien du futur [SCAF] afin d’avoir toute la latitude nécessaire pour lui permettre de tenir son rôle de maître d’œuvre, pour lequel il a été désigné pour le pilier n° 1 de ce projet, lequel correspond au développement d’un avion de combat de nouvelle génération [NGF – New Generation System]. Et cela d’autant plus que cet appareil devra, comme le Rafale actuellement, effectuer des missions nucléaires et pouvoir embarquer à bord d’un porte-avions.
Or, les deux autres partenaires du pilier n° 1, c’est-à-dire les filiales allemande et espagnole d’Airbus, s’opposent à toute évolution de la gouvernance allant dans le sens voulu par Dassault Aviation. Ce qui fait que, pour le moment, le projet reste bloqué à la phase 1B et que la suivante [la phase 2], censée aboutir au vol d’un démonstrateur, est hypothétique.
« La question se pose pour l’efficacité du projet qui est à trois pays […] où il n’y a pas un vrai leader mais trois ‘co-co-co’. […] Comment je peux avoir un leadership alors que j’ai en face de moi quelqu’un qui pèse deux fois plus ? Comment peut-on assurer une maîtrise d’œuvre si je n’ai pas le droit de choisir des sous-traitants en France, en Espagne et en Allemagne ? […] Je pense que ce n’est pas la bonne méthode pour faire voler un avion », avait résumé Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, lors de la présentation des résultats semestriels de son groupe, le 22 juillet dernier.
Cependant, Airbus Defence & Space entend rester aux règles de gouvernance telles qu’elles ont été définies au moment du lancement de la phase 1B. « Si les gens veulent que le SCAF existe, nous savons tous comment le faire. Il suffit de revenir à ce qui a été convenu et de s’y tenir. Mais si les gens pensent que nous devons revenir à la case départ et recommencer toute la discussion, ce n’est pas acceptable », s’était ainsi agacé Michael Schoellhorn, son PDG, quelques semaines plus tôt.
En attendant, comme l’a souligné le 19e rapport sur l’armement récemment publié par le ministère allemand de la Défense, la phase 1B du SCAF permet d’assurer la « continuité du développement de l’industrie aéronautique allemande dans le cadre d’une coopération » avec la France et l’Espagne. « Les technologies clés nationales seront également promues dans les domaines des capteurs et des opérations en réseau. La réussite du projet est une condition essentielle à la compétitivité de l’industrie aéronautique militaire allemande et européenne », a-t-il ajouté.
Quoi qu’il en soit, fin juillet, à l’issue d’une rencontre entre le président Macron et le chancelier allemand, Friedrich Merz, à Berlin, il a été dit que les ministres de la défense des deux pays, à savoir Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, allaient être chargés « d’évaluer une perspective réaliste de coopération au sein du consortium SCAF et de présenter des propositions pour résoudre les conflits existants ». Et cela, avant la tenue d’un nouveau conseil des ministres franco-allemand, à Toulon, le 29 août. En clair, il leur a été demandé de faire converger deux points de vue inconciliables.
A priori, la partie allemande n’a pas l’intention de céder, à en juger par un document récemment remis à la commission du budget du Bundestag par le ministère de la Défense et auquel l’agence Reuters a eu accès.
Ainsi, selon cette dernière, ce document met en garde « contre de graves conséquences pour les capacités du futur avion de combat et la participation de l’industrie allemande si des concessions étaient accordées à l’industrie française ». Et d’ajouter : « Des options pour une solution seront élaborées d’ici la fin de l’année avant qu’une décision sur les prochaines étapes ne soit prise ».
Le 25 août, lors d’un point presse tenu pour évoquer le prochain Conseil des ministres franco-allemand, l’Élysée a confirmé que le sujet du SCAF serait abordé… mais « tout ne sera pas traité en détail au niveau des leaders ». En tout cas, a poursuivi la présidence française, « les difficultés passagères doivent être traitées » car « il n’y a pas de plan B ». Sauf que ces « difficultés passagères » durent depuis quelque temps déjà…
À noter que, avant de se rendre dans le Var, M. Pistorius recevra Margarita Robles, la ministre espagnole de la Défense, à Berlin. Selon cette dernière, il s’agira notamment de « promouvoir » le projet SCAF, dans lequel « l’Espagne est fermement impliquée ».