Le caillou traînait depuis des années dans les chaussures de l’écosystème Darwin comme dans celles de la mairie de Bordeaux. Installé depuis 2011 dans l’ancienne friche militaire de la caserne Niel et désormais entouré par les nombreux immeubles de l’opération d’aménagement Bastide Niel, le périmètre de Darwin a longtemps fait l’objet de tensions, de bras de fer politiques et de recours juridiques. Particulièrement depuis 2018 lorsque les autorisations d’occupation temporaire ont expiré. Cela concernait autant les aménageurs privés et publics de la zone d’aménagement que les équipes municipales successives.

Depuis 2020 et l’arrivée des écologistes à la mairie de Bordeaux, le discours est au volontarisme et à l’apaisement. Il restait à mettre tout cela en actes. C’est désormais chose faite pour les deux hangars qui incarnent à la fois le dynamisme du lieu et les frictions immobilières et juridiques avec ses voisins.

6 000 m2 à rénover

Sur 6 000 m2 et malgré leur vétusté, ils accueillent notamment le skate park et les activités d’Emmaüs mais sans autorisation d’occupation sécurisée à long terme. Annoncée fin 2022, la solution d’une Scic (société coopérative d’intérêt collectif) associant la mairie, Bordeaux Métropole Aménagement et Darwin pour reprendre et gérer les hangars a finalement été jugée inadaptée puis abandonnée.

C’est finalement la ville de Bordeaux qui, en décembre 2024, a racheté ces deux bâtiments auprès de la SAS Bastide Niel, l’aménageur de la ZAC Bastide Niel pour 2,1 millions d’euros TTC. Un montant auquel pourrait s’ajouter 1,5 million d’euros en cas de déséquilibre économique de la ZAC lors de son achèvement en 2032.

Un coûteux retour dans le giron public

Cela marque un retour dans le giron public puisque la Métropole, alors menée par Alain Juppé, avait cédé ces hangars à la SAS Bastide Niel en 2018 pour environ 800 000 euros, soit entre deux et trois fois moins cher. « C’est une décision qui sauvegarde des activités d’intérêt général et qui permet à la ville de se réapproprier des fonciers stratégiques sur le long terme », justifie Delphine Jamet. L’adjointe au maire de Bordeaux en charge de l’administration générale défend même « une bonne affaire pour la ville. »

Car si elle récupère le foncier, la ville prend soin d’en confier la charge et l’exploitation à Darwin. Saluant « un accord gagnant-gagnant », le maire Pierre Hurmic a signé ce 27 août un bail emphytéotique administratif d’une durée de 33 ans donnant la gestion et l’entretien des deux hangars à la Foncière solidaire Darwin. Celle-ci a trois ans pour financer et réaliser des travaux de réhabilitation chiffrés à 4,7 millions d’euros. Elle s’acquittera ensuite d’un loyer annuel de 35 000 euros, soit un total de 1,05 million d’euros sur trente ans.

Un avenir plus serein

En contrepartie, Darwin s’engage à consacrer deux tiers de ces surfaces à des activités solidaires tandis que le tiers restant pourra accueillir des activités marchandes classiques. « Sans titre d’occupation, nous ne pouvions pas obtenir de prêts bancaires pour rénover les hangars. C’est désormais le cas », explique Philippe Barre, le fondateur de Darwin. « Toutes les activités actuelles seront maintenues et la rénovation va permettre d’en accueillir d’autres à la fois sur le volet social et sur des commerces tels qu’un skate shop, un disquaire ou des métiers de réemploi et de réparation. »

Darwin assure vouloir travailler sur des volumes évolutifs et réversibles. L’écosystème, qui s’étend sur un peu plus de 4 hectares, héberge 250 structures et représente 1.200 emplois, peut donc envisager son développement plus sereinement même si des contentieux demeurent avec le promoteur immobilier Marignan, présent sur une parcelle voisine.