Les actions de Nvidia ont reculé mercredi alors que l’avenir de ses activités en Chine reste incertain, pris dans la tourmente de la guerre commerciale entre Washington et Pékin.

Le PDG Jensen Huang espère obtenir l’autorisation de reprendre la vente de puces Nvidia en Chine après avoir conclu un accord avec le président américain Donald Trump, prévoyant le versement de commissions au gouvernement américain. Toutefois, en l’absence de règles formelles aux États-Unis et face aux interrogations sur une éventuelle dissuasion des régulateurs chinois à l’achat de puces Nvidia, le leader du marché de l’IA a exclu de ses prévisions pour le trimestre en cours toute vente potentielle à la Chine.

Résultat : des perspectives jugées tièdes, certes toujours impressionnantes en valeur absolue et légèrement supérieures aux estimations des analystes, mais insuffisantes pour des investisseurs habitués à des résultats spectaculaires. L’action Nvidia a ainsi reculé de 3,2 % lors des échanges après la clôture, amputant la capitalisation boursière du groupe d’environ 110 milliards de dollars, pour un total de 4 400 milliards de dollars.

« Le principal goulot d’étranglement de Nvidia n’est pas le silicium, c’est la diplomatie », analyse Michael Ashley Schulman, directeur des investissements chez Running Point Capital. Il ajoute que la trajectoire de croissance de Nvidia reste « impressionnante, mais moins exponentielle ».

Le fabricant de puces table sur un chiffre d’affaires de 54 milliards de dollars, plus ou moins 2 %, au troisième trimestre, contre une estimation moyenne des analystes de 53,14 milliards de dollars, selon les données compilées par LSEG. Mais ses résultats du deuxième trimestre fiscal ont déçu certains analystes sur le segment clé des centres de données, certains estimant que les fournisseurs de cloud computing pourraient se montrer plus prudents dans leurs dépenses.

Nvidia a également précisé qu’aucune livraison de ses puces H20 à la Chine n’était prise en compte dans ses prévisions, malgré l’obtention récente de licences pour les vendre. Si la situation géopolitique se détend et que de nouvelles commandes sont passées, Nvidia estime pouvoir ajouter entre 2 et 5 milliards de dollars de revenus liés aux H20 au troisième trimestre.

Si les prévisions de Nvidia se révèlent légèrement inférieures aux attentes, toute vente à la Chine le trimestre prochain viendrait s’ajouter aux perspectives, souligne Ben Bajarin, PDG du cabinet de conseil technologique Creative Strategies. « C’est un point d’interrogation majeur à surveiller. »

La demande pour les puces avancées de Nvidia, capables de traiter rapidement d’énormes volumes de données pour les applications d’IA générative, reste toutefois très forte alors que les entreprises se livrent une course pour dominer cette nouvelle technologie.

La directrice financière Colette Kress a indiqué que les initiatives « AI souveraine » du groupe — une stratégie visant à vendre des puces et logiciels d’IA aux gouvernements du monde entier — devraient générer 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année. Kress a également affirmé que les investissements en IA devraient entraîner 600 milliards de dollars de dépenses de la part des clients cloud et entreprises rien que cette année, et pourraient générer entre 3 000 et 4 000 milliards de dollars de dépenses d’infrastructure d’ici la fin de la décennie.

Les géants de la tech comme Meta Platforms et Microsoft investissent massivement pour soutenir leurs ambitions en matière d’IA, et Nvidia est le principal bénéficiaire, une part importante de ces dépenses étant consacrée à ses puces.

L’entreprise a précisé qu’environ la moitié de ses 41 milliards de dollars de revenus issus des centres de données provenaient des grands fournisseurs de services cloud au dernier trimestre.

Ce chiffre reste toutefois légèrement inférieur aux estimations de 41,42 milliards de dollars selon Visible Alpha. Nvidia prévoit également une marge brute ajustée de 73,5 % pour le trimestre en cours, à peine supérieure aux attentes des analystes (73,3 %), d’après les données LSEG.

« Les résultats dans les centres de données, bien que massifs, laissent entrevoir que les dépenses des hyperscalers pourraient se resserrer à la marge si les retours à court terme des applications IA restent difficiles à quantifier », estime Jacob Bourne, analyste chez eMarketer.

Les actions d’Advanced Micro Devices, qui développe des serveurs IA concurrents de ceux de Nvidia, ont également reculé de 1,4 % après la publication des résultats de Nvidia.

L’engouement pour les actions liées à l’IA, centré sur Nvidia alors que Wall Street s’adonne au « picks-and-shovels trading », a été le principal moteur de la hausse de l’indice S&P 500 ces deux dernières années.

« C’est la plus faible réaction à une publication de résultats depuis la transformation de Nvidia en champion de l’IA », observe Jake Behan, responsable des marchés de capitaux chez Direxion à New York. « Même si ce n’est pas un feu d’artifice, ce n’est pas non plus un échec. »

En mai, Nvidia anticipait que les restrictions américaines amputeraient de 8 milliards de dollars ses ventes du trimestre de juillet. La société a finalement annoncé un chiffre d’affaires de 46,74 milliards de dollars au deuxième trimestre, dépassant les estimations de 46,06 milliards.

La demande pour les puces H20 de Nvidia semble néanmoins forte en dehors de la Chine. Colette Kress a indiqué lors d’une conférence avec les analystes qu’un seul client hors Chine avait acheté pour 650 millions de dollars de ces puces au deuxième trimestre.

Nvidia a également annoncé avoir autorisé un nouveau plan de rachat d’actions de 60 milliards de dollars.