Va-t-on enfin vers une solution pour l’église Saint-Jacques ? L’état de ce monument du XIIe siècle est depuis plusieurs années une source de soucis pour la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), pour les amoureux du patrimoine, pour les voisins, répartis entre le cours Victor-Hugo et les rues du Mirail et Saint-François, et, semble-t-il, pour sa propriétaire elle-même, qui a bon espoir de le vendre d’ici à la fin 2025.

L’église Saint-Jacques, c’est cet édifice construit en 1120 au niveau de ce qui est aujourd’hui le 10, cours du Mirail. Invisible de l’extérieur, ce bâtiment de 45 mètres de longueur pour 10 de largeur et 15 de hauteur a longtemps été géré par la Confrérie des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle (d’où son nom). Il a ensuite connu des fortunes diverses – incendies, destructions… – jusqu’à être vendu à un particulier en 1882, puis transformé en parking. Mais cela reste « un témoignage unique du Bordeaux médiéval », selon l’historien Guilhem Pépin, qui a contribué à le faire classer au titre des monuments historiques en 2021.

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À l’été 2024, le même Guilhem Pépin déplorait l’envahissement des murs par des plantes grimpantes. Il redoutait des infiltrations d’eau et des dommages importants au niveau de la charpente. Un an plus tard, la situation ne s’est pas améliorée. Les plantes grimpantes sont toujours là, des lézardes sont visibles sur les murs « et la toiture s’affaisse, explique-t-on à la Drac. Des creux se forment et l’eau s’évacue mal. Quand il pleut, elle tombe dans la charpente. »

Au-dessus d’un vitrail une lézarde est bien visible.

Au-dessus d’un vitrail une lézarde est bien visible.

Ch. L.

La situation est inquiétante du point de vue patrimonial, mais aussi en termes de sécurité publique. En avril 2025, la Ville de Bordeaux a pris un arrêté interdisant aux propriétaires de trois cours et jardins adjacents de s’y rendre (voir l’infographie). On peut imaginer qu’en cette période estivale, la décision n’a pas été très bien reçue par ces voisins immédiats.

800 000 euros de travaux

« On ne peut pas exclure un effondrement de la toiture, qui projetterait des pierres dans les habitations voisines, indique l’un d’eux, sous couvert d’anonymat. Il y a quelques années [en 2001, NDLR], une partie est déjà tombée et le bruit a été énorme ! Je ne suis pas excessivement inquiet, mais quand même assez pressé qu’on lance des travaux. » Rue du Mirail, une copropriété a, elle, saisi le juge des référés en se plaignant de fissures et d’infiltrations, indique Me Dahan, l’avocat de la propriétaire, commerçante en centre-ville.

L’église Saint-Jacques vue de l’intérieur : « On ne peut pas s’y apercevoir que la toiture est un peu défaillante », plaide l’avocat de la propriétaire.

L’église Saint-Jacques vue de l’intérieur : « On ne peut pas s’y apercevoir que la toiture est un peu défaillante », plaide l’avocat de la propriétaire.

Jean-Jacques Dahan

À ce contentieux avec des voisins s’ajoute un arrêté préfectoral d’août 2024, qui met la propriétaire en demeure de mener des travaux de mise en sécurité. « Il s’agirait de poser des tuiles pour assurer l’étanchéité du bâtiment, et d’étayer la charpente afin d’éviter qu’elle tombe sur elle-même et sur les maisons alentour, explique Maylis Descazeaux, directrice de la Drac. L’État peut trouver les professionnels compétents, superviser le chantier et apporter le budget – environ 800 000 euros –, quitte à récupérer ensuite 50 % de cette somme auprès de la propriétaire. »

Me Jean-Jacques Dahan : « Ma cliente a compris qu’elle n’a pas intérêt à ce que la situation reste paralysée. »

Me Jean-Jacques Dahan : « Ma cliente a compris qu’elle n’a pas intérêt à ce que la situation reste paralysée. »

Ch. L.

La réponse de celle-ci a d’abord été de contester l’obligation de travaux auprès du tribunal administratif. « Mais elle s’est ensuite désistée ; elle a compris qu’elle n’a pas intérêt à ce que la situation reste paralysée », assure Me Dahan. Qui parle d’un rendez-vous début septembre avec la Drac pour relancer le chantier, et qui plaide la bonne foi de sa cliente : « De l’intérieur, on ne peut pas s’apercevoir que cette toiture est un peu défaillante. »

« La propriétaire est prête à régler une partie du montant afin de faciliter l’arrivée d’un acquéreur »

Le lieu est en fait inoccupé. Un panneau « À louer parking auto-moto » figure toujours sur le rideau de fer qui masque son entrée. « Mais il n’y a plus aucun véhicule à l’intérieur, même s’il subsiste une pompe à essence de l’époque où c’était un garage », explique Me Dahan.

Dans l’église, une vieille pompe à essence rappelle l’époque où elle servait de garage.

Dans l’église, une vieille pompe à essence rappelle l’époque où elle servait de garage.

Jean-Jacques Dahan

« La propriétaire est prête à régler une partie du montant afin de faciliter l’arrivée d’un acquéreur », poursuit l’avocat. Qui indique qu’un compromis de vente a été signé le 30 juillet. « Habituellement, l’acte authentique suit quatre mois plus tard. » Ce possible nouveau propriétaire est « un Français domicilié à l’étranger. On peut supposer qu’il a un projet pour ce bâtiment. »

L’arrêté préfectoral est de toute façon exécutoire. Avec ou sans l’accord de la propriétaire actuelle, les travaux pourront être menés. « Jusqu’ici, la procédure a été bloquée par la saisine du tribunal administratif, explique Maylis Descazeaux. Mais dès qu’il nous aura signifié que la propriétaire s’en est désistée nous pourrons lancer le chantier. » Le temps de relancer la machine administrative après le ralentissement du mois d’août, semble-t-il.