Le malheur a frappé plusieurs fois à la porte de cette famille albanaise. Depuis le 31 juillet, Rizmin Rapce, sa femme Martila et leurs deux enfants Storni, 12 ans et Skajla, 4 ans, dorment dans la rue à Bordeaux. « Nous ne demandons rien d’autre qu’un toit sur la tête, une opportunité de soigner nos maladies et de redonner de la dignité à nos enfants », souffle Rizmin Rapce, épuisé par un mois passé à dormir dehors. La situation devient urgente, alors que ses deux enfants, scolarisés dans le quartier de la gare Saint-Jean, vont reprendre l’école et le collège.

Plusieurs raisons ont poussé Rizmin et Martila Rapce à quitter l’Albanie pour la France, en septembre dernier. D’abord discriminés dans leur pays en raison de leur handicap, dans l’impossibilité de trouver du travail ou de l’aide, ils sont venus en France avec leurs enfants pour accéder à des soins médicaux adaptés. Le père de famille souffre d‘une maladie cardiaque chronique (cardiomyopathie hypertrophique) et d’une luxation de la hanche. La mère a un problème de vue, un kératocône bilatéral (déformation de la cornée), et a subi une greffe de la cornée. Les opérations et les traitements n’étaient pas possibles en Albanie, comme le prouve Rizmin Rapce sur des documents médicaux.

« Rester à l’école »

Pendant près d’un an, ils ont vécu à Agen, dans un logement fourni par l’Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda). Mais leur demande d’asile et de titre de séjour a été refusée par la préfecture du Lot-et-Garonne le 25 février, avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une aide juridictionnelle leur a été accordée pour demander l’annulation de cette décision. Et une demande de réexamen de leur demande d’asile a été déposée le 17 juin auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), après un premier refus en décembre dernier.

La famille avait trouvé refuge au pied de la cathédrale Saint-André. Mais la police est venue plusieurs fois la déloger

Désormais à Bordeaux pour se rapprocher de leur médecin, ils sont sans solution de logement, après avoir été hébergés quelques jours par le Samu social et l’hôpital Pellegrin. « Nous ne voulons plus retourner en Albanie. Nous voulons rester à l’école, ici en France, c’est beaucoup mieux », demande Storni, qui parle déjà bien français et assure la traduction de ses parents. Ces derniers ont également un suivi psychiatrique, « car cette situation a endommagé notre santé mentale », expliquent-ils.

Recours au tribunal

Contactée, la préfecture du Lot-et-Garonne justifie l’OQTF par la première décision de l’Ofpra et par « un avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration qui précise que l’état de santé de M. Rizmin Rapce peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d’origine ».

La famille a déposé un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux. La clôture de l’instruction a été reportée du 24 juillet au 18 septembre. « Dans l’attente du jugement, les OQTF ne seront pas mises en œuvre », précise l’autorité préfectorale.

En attendant, la famille avait trouvé refuge au pied de la cathédrale Saint-André. Mais la police est venue plusieurs fois la déloger, leur indiquant « d’aller au camping à Bordeaux-Lac ». « On ne sait pas où on va dormir ce soir », s’inquiète Rizmin Rapce, en regardant ses enfants.