Le groupe californien a dégagé un bénéfice net de 26,4 milliards de dollars, malgré le manque à gagner causé par les restrictions américaines sur l’exportation vers la Chine de certaines de ses puces.
Même les bons résultats du champion américain des semi-conducteurs Nvidia n’ont pas fait désenfler les craintes autour d’une bulle dans l’IA. L’entreprise a pourtant réalisé un chiffre d’affaires record de 46,7 milliards de dollars au deuxième trimestre de son exercice décalé, tout juste au-dessus des attentes du marché, malgré les restrictions américaines sur les ventes en Chine de certaines de ses puces pour l’intelligence artificielle (IA). Le groupe californien a aussi dégagé un bénéfice net record, à 26,4 milliards de dollars, soit un bond de plus de moitié sur un an.
Mais le groupe a précisé n’avoir vendu aucune puce H20 lors du trimestre écoulé (de mai à juillet). Ce sont des mini-processeurs moins sophistiqués, conçus pour respecter les restrictions d’exportations. Les recettes de ces fameux mini-processeurs (GPU) pour les centres de données ont légèrement déçu, à 41,1 milliards de dollars au lieu des 41,3 milliards attendus.
Inquiétude des marchés
Résultat : son titre perdait plus de 3% lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse de New York jeudi. Les Bourses asiatiques digèrent également ce jeudi les résultats du géant américain. Après un démarrage hésitant, l’indice vedette Nikkei de Tokyo relativisait ces nouvelles, avançant de 0,49% à 42.731,74 points à mi-séance, tandis que l’indice élargi Topix progressait de 0,4% à 3.082,08 points. «Les résultats de Nvidia, en dehors des activités liées à la Chine, n’étaient pas si mauvais. Je pense que c’est l’évaluation générale», a estimé Takeru Ogihara, stratégiste chez Asset Management One, cité par l’agence Bloomberg. La Bourse de Hong Kong était lestée par l’action du géant du commerce en ligne Alibaba, en chute de 4,2%, tandis que l’indice Hang Seng perdait 0,63% à 25.042,14 points vers 02H50 GMT et l’indice composite de Shanghai montait de 0,71% à 3.827,77 points. Celui de Shenzhen progressait de 0,98% à 2.417,85 points.
Les résultats de la première capitalisation mondiale, au-dessus des 4000 milliards de dollars depuis juillet, sont suivis de près par les investisseurs. «Bien qu’énormes, ces résultats montrent des signes que les dépenses des géants» de l’IA et du cloud «pourraient se réduire à la marge si les retours sur investissements des applications de l’IA restent élusifs», a commenté Jacob Bourne, analyste chez Emarketer.
D’autres y voient plutôt la sous-estimation par les marchés de la croissance à venir du secteur. «Wall Street continue à sous-estimer la croissance exponentielle de la demande» pour ces microprocesseurs, moteurs de la «révolution de l’IA que mène Nvidia», a assuré Dan Ives, analyste chez Wedbush, avant la publication des résultats. Nvidia surfe depuis 2023 sur la révolution de l’IA générative lancée par ChatGPT (OpenAI). Ses clients, les géants américains des technologies, rivalisent à coups de dizaines de milliards de dépenses dans les infrastructures et la puissance de calcul nécessaires pour rester dans la course.
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Washington face à Pékin
La croissance exceptionnelle de Nvidia se poursuit donc malgré les coups que lui portent les gouvernements américain et chinois, engagés dans une bataille féroce pour la suprématie mondiale dans l’IA. Lors de son premier trimestre décalé, Nvidia avait enregistré une charge exceptionnelle de 4,5 milliards de dollars à cause des restrictions américaines sur l’export de puces vers la Chine. Le groupe disait s’attendre à voir ses revenus amputer de 8 milliards de dollars au 2e trimestre pour le même motif.
Mais ses perspectives de croissances ne faiblissent pas : pour le troisième trimestre, le leader mondial des processeurs prévoit un chiffre d’affaires d’environ 54 milliards, tout en ne visant toujours «aucun envoi de puces H20 en Chine». Nvidia indique toutefois avoir écoulé une partie de ces puces auprès d’un client non chinois pour un total de 180 millions de dollars pendant le trimestre écoulé.
Son influent patron Jensen Huang avait pourtant convaincu Donald Trump, à l’issue d’une rare rencontre mi-août à la Maison Blanche, de lever les contraintes sur les puces H20, contre le versement de 15% de ses ventes au gouvernement américain. Mais de l’autre côté du Pacifique, Pékin tente désormais de dissuader ses entreprises d’acheter ce microprocesseur, moins perfectionné que ceux vendus dans la Silicon Valley, l’accusant de receler des failles de sécurité. Nvidia a rejeté ces allégations mais vient d’ordonner à certains de ses fournisseurs de suspendre la production de ces puces, selon le média américain spécialisé The Information.
«Cette suspension génère certes des incertitudes à court terme, mais la demande» des géants du cloud américains (AWS, Google Cloud, etc) «et l’adoption de ces nouvelles puces Blackwell», parmi les plus avancées de Nvidia, «devraient compenser la faiblesse du marché chinois», pense Josh Gilbert, analyste pour eToro. Les «revenus liés à (la puce) Blackwell (…) principalement grâce aux grands fournisseurs de services cloud, ont représenté environ 50% du chiffre d’affaires des centres de données», a indiqué le groupe.