Memoli, Aura Film, 4Cut Studio, Pic Me, Photoism, Life4Cuts… En un an, ces cabines photos d’un nouveau genre se sont propagées dans la capitale.
Un mardi soir de juillet, un groupe de jeunes filles entre avec enthousiasme dans une boutique de la rue Sainte-Anne, dans le 1er arrondissement de Paris. Elles attrapent des accessoires en tous genres – lunettes rétro, chapeaux de cow-boy, serre-tête girafe – puis se faufilent dans l’une des huit cabines photo que propose le lieu. Au fil des clichés, elles prennent la pose, se serrent dans les bras, forment des cœurs avec leurs doigts. L’opération coûte une dizaine d’euros : elles ressortent ensuite des boîtes, un peu essoufflées, et récupèrent leurs images, ravies.
«C’est super rapide, on a que dix secondes entre chaque photo, c’est du sport», lance en éclatant de rire Clara. Accompagnée de trois amies, la lycéenne mourrait d’envie de tester le photomaton Aura Film. «Je l’ai vu partout sur les réseaux sociaux, c’est le plus grand de Paris, on peut prendre des photos dans un ascenseur, dans une machine à laver… C’est comme en Corée , c’est dingue», s’exclame-t-elle.
L’une des huit cabines photo de la boutique Aura Film dans le quartier Sainte-Anne.
Aura Film
À Paris, une dizaine d’établissements comme Aura Film ont fleuri, en un peu plus d’un an. Le principe est simple : les clients viennent, paient pour se prendre en photo dans l’une des cabines, avec des accessoires, en quelques minutes. Un concept qui existe déjà dans plusieurs pays d’Asie comme la Corée du Sud ou le Japon et qui surfe sur l’attrait qu’exercent ces cultures au sein d’une partie de la population française.
Un concept qui séduit notamment les jeunes
Chez Aura Film, Daphné et sa mère ont opté pour une cabine avec une ambiance métro. Graffitis au mur, barre de métro, tout est fait pour y croire. «C’est coloré, et ça change de celles que j’ai essayées à Taïwan», s’émerveille l’adolescente. Si elle n’en est pas à son coup d’essai, Caroline, sa mère, teste pour la première fois. «C’est une journée 100% Corée avec karaoké, photobooth et boutiques de K-pop», explique-t-elle, tout sourire, en pointant du doigt l’enceinte qui diffuse la chanson «Love To Hate Me» du groupe coréen Blackpink.
Caroline et sa fille Daphné posent – clichés à la main – dans la cabine photo sur le thème métro parisien de la boutique Aura Film.
Emilie Andrieux
Même scène à 5 minutes à pied de là, chez 4Cut Studio. Ici, c’est la cabine grand-angle avec fond bleu métallique qui a la cote. «C’est un peu notre signature, celle que tout le monde vient tester», reconnaît la gérante Jisoo Yun. C’est d’ailleurs pour cela que Milia, 16 ans, y a traîné son petit ami. Adepte des photomatons, elle en est à sa quinzième séance photo de ce genre. «C’est super amusant, bien plus que le ciné. C’est vraiment un truc à faire à Paris», confie la jeune fille.
Si la majorité des clients ont entre 18 et 25 ans, la pratique se démocratise et attire un public de plus en plus large. «En un an d’ouverture, j’ai vu des tas de gens défiler, ados, adultes et même des retraités, il n’y a pas d’âge pour s’amuser, se félicite la propriétaire. Ce qui plaît, c’est de repartir avec un souvenir physique, une photo qu’on va coller sur son frigo, dans sa chambre. Les jeunes sont très nostalgiques et raffolent de ces activités vintage».
Les quatre cabines de la boutique 4Cut Studio dans le 1er arrondissement de Paris
4Cut Studio
Si 4Cut Studio capte un public plutôt jeune et mixte – en partie grâce aux couleurs neutres des cabines -, d’autres établissements, comme Memoli ou Life4Cuts, misent plus franchement sur l’inspiration de la Corée du Sud. Rue de Rivoli, dans le centre commercial du Louvre, Photoism s’appuie quant à lui sur un concept inédit. Ici, le client pourra poser aux côtés des membres du groupe de K-pop Seventeen ou Twice, et ceux plutôt branchés K-dramas feront la moue avec l’acteur Kim Min-kyu ou l’actrice Eunji. «On a un partenariat avec un des leaders du marché coréen, on a accès à un large portfolio de stars. Dès qu’une nouveauté débarque en Corée, on l’a aussi ici», détaille la co-gérante, Soumia. Des exclusivités qui fonctionnent : fin juillet, des centaines de fans étaient venues se prendre en photo avec les membres de Stray Kids, créant des files d’attente de plus de 5 heures. «Même si c’est virtuel, avec cette activité ils ont l’impression d’être en Corée», poursuit-elle. Seule différence avec Séoul : le prix… Entre 8 et 15 euros pour deux clichés. Le triple de ce que proposent les établissements au Pays du Matin Calme.
Un business qui rapporte ?
Si les propriétaires gardent leurs comptes secrets, tous y voient une activité juteuse. Avec une centaine de personnes par jour – voir 1000 pour les événements spéciaux – et un prix avoisinant les 10 euros, ces photomatons peuvent rapporter gros. «C’est de plus en plus populaire. Nous ne sommes ouverts que depuis deux mois et demi, mais il y a déjà des habitués. Ils ne se contentent pas d’une photo, mais en font deux ou trois», détaille Soumia.
«De l’extérieur, on pourrait penser que ça nous rapporte énormément, mais il ne faut pas oublier l’investissement», nuance tout de même la trentenaire. Si Photoism – qui a signé un partenariat avec l’entreprise coréenne du même nom – a reçu gratuitement ses quatre machines, les autres enseignes, indépendantes, doivent débourser entre 10.000 et 15.000 euros pour une seule cabine photo. Un coût conséquent qui varie selon le fournisseur, souvent coréen ou chinois. À cela s’ajoutent l’électricité, le chauffage, le papier photo ou les accessoires, sans compter les travaux de départ – entre 40.000 et 50.000 euros – et les changements de décors. «On adapte en fonction des fêtes comme Halloween, Noël ou la Saint-Valentin, il faut savoir se réinventer», assure Céline Lim, cofondatrice d’Aura Film. Le loyer, qui peut varier du simple au triple selon le quartier – entre 3000 et jusqu’à 10.000 euros pour le Louvre – pèse également lourd. «Les locaux ne sont pas aussi chers en Corée, ils sont plus petits et ils ne font pas autant de travaux de rénovation», insiste Céline. Des frais qui peuvent expliquer la différence de prix avec la Corée du Sud.
En outre, le système a été adapté aux lois françaises : «Impossible d’envisager un commerce ouvert 24 heures sur 24 et sans salariés, s’amuse Céline. Il a fallu donner une touche française, et ça marche». Avec son mari, elle prévoit déjà d’ouvrir une plus grande boutique dans la rue. Les 100 m2 ne suffisent plus. Signe que les photomatons coréens ont de beaux jours devant eux.