Un poumon de cochon génétiquement modifié a été greffé pour la première fois sur un humain, révèle une étude publiée dans la revue spécialisée Nature Medicine. Cette transplantation a été réalisée par des chercheurs chinois à l’hôpital universitaire de Guangzhou. Une technique complexe en plein développement : il y a dix-huit mois, en mars 2024, des scientifiques chinois de l’hôpital Xijing avaient transplanté un foie de porc génétiquement modifié sur un humain, deux mois après une expérience similaire réalisée aux États-Unis.
Aujourd’hui, l’exploit scientifique revient à l’Empire du milieu. Autrefois cantonnée dans la production de médicaments génériques et de principes actifs à bas coût, la Chine est devenue, en moins de vingt ans, une puissance majeure dans les biotechnologies de santé, qui utilisent ou modifient des matériaux vivants.
Fleurons chinois des biotechs
Plusieurs entreprises chinoises ont acquis une renommée mondiale, même si elles restent peu connues du grand public : BGI est spécialisée dans la recherche génomique, Beigene fabrique des médicaments anticancéreux, quand WuXi Apptec produit des services et des équipements pour le développement de médicaments. Et si la Chine reste largement devancée par les mastodontes américains, elle vise à devenir, d’ici 2035 à 2050, le leader mondial des biotechnologies de santé.
Ce grand bond relève de plusieurs éléments. Considéré comme un secteur clef pour devenir une puissance mondiale scientifique, le gouvernement chinois a, depuis son 12e Plan quinquennal (2011-2015), fait des biotechnologies une priorité nationale. Cette stratégie vise à créer un vaste pôle d’innovation biotechnologique, et renforcer l’industrialisation de ces biotechs.
Stratégie nationale globale et milliards investis
Cela s’est traduit par des centaines de milliards de yuans de financements publics, des abattements fiscaux et des subventions pour l’achat d’équipements, mais aussi la création de laboratoires et d’incubateurs et autres centres d’innovation. Selon un rapport du cabinet international CBRE, Pékin et Shanghai comptaient plus de labos en construction et d’espaces dédiés à la recherche et développement à la fin de 2024 que nulle part ailleurs sur le globe, la ville américaine de Boston occupant la troisième place. Toujours selon ce rapport, les brevets pharmaceutiques et technologiques médicaux chinois ont bondi de 379 % en dix ans.
L’examen des médicaments y est en outre accéléré, la réglementation chinoise étant plus souple qu’en Europe ou aux Etats-Unis : en 2024, la Chine a réalisé plus de 7.100 essais cliniques de médicaments, surpassant les États-Unis, représentant près de 40 % de l’activité mondiale des essais cliniques, rapporte la plateforme spécialisée Clinical Trials Arena. Et cette année, 37 % des molécules sous licence des grandes entreprises pharmaceutiques proviendront de Chine, selon les projections de la banque d’investissement Stifel.
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Des chiffres à donner le tournis, et qui inquiètent de l’autre côté du Pacifique, aux Etats-Unis. Car malgré ses faiblesses, notamment sur le passage des découvertes scientifiques en produits prêts à être commercialisés, la Chine avance au pas de charge pour accéder au premier rang mondial des biotechnologies de santé. Un rapport de la Commission américaine de sécurité sur les biotechnologies émergentes, présenté au Congrès en avril 2025 et relayé par le Wall Street Journal, estime que les États-Unis sont aujourd’hui en train de prendre du retard sur la Chine en matière d’innovation biotechnologique.
Dans un contexte de baisse du soutien fédéral américain à la recherche biomédicale, la commission exhorte les États-Unis à investir au moins 15 milliards de dollars dans la recherche biotechnologique, et prévoir une coordination stratégique pour maintenir sa domination mondiale. Pour combien d’années encore ?