L’épidémie survient en parallèle de foyers de dengue autochtone (15 cas confirmés) et de West Nile virus (15 cas, dont des formes neuro-invasives) selon Santé Publique France. © Adobe Stock
L’épidémie survient en parallèle de foyers de dengue autochtone (15 cas confirmés) et de West Nile virus (15 cas, dont des formes neuro-invasives) selon Santé Publique France.
Il y a encore dix ans, le chikungunya paraissait bien lointain. Une maladie exotique, associée à La Réunion ou aux Caraïbes, que l’on croyait réservée aux voyageurs. Mais cet été 2025, le virus n’a plus rien de “tropical”. Il circule désormais dans nos villes et nos villages, transmis par un moustique que nous connaissons tous trop bien, le moustique tigre.
Jamais la France n’avait enregistré autant de cas autochtones, c’est-à-dire contractés sur le sol national. Une évolution qui change la donne, bouscule nos représentations et nous oblige à poser la question : que se passe-t-il réellement, et que risquons-nous pour notre santé ?
Un chiffre qui marque un tournant : 228 cas autochtones
Au 27 août 2025, 228 cas autochtones de chikungunya ont été confirmés en France métropolitaine, regroupés dans 30 foyers distincts.
- En 2010, le premier foyer autochtone avait été observé dans le Var (2 cas seulement).
- Entre 2010 et 2022, la France a connu au total 32 épisodes autochtones de dengue, chikungunya et Zika confondus (Santé publique France).
- L’été 2025 concentre presque autant d’épisodes en quelques semaines que sur 12 ans.
Autrement dit, la France vient de franchir un seuil symbolique. Nous ne sommes plus face à des “accidents” épidémiques isolés, mais bien à une circulation virale répétée et installée.
Où la transmission se fait-elle ?
Les foyers les plus importants sont situés dans le Sud-Est, où le moustique tigre est implanté depuis longtemps :
- Vitrolles (Bouches-du-Rhône) : 36 cas confirmés.
- Fréjus (Var) : 31 cas.
- Antibes (Alpes-Maritimes) : 20 cas.
- Bergerac (Dordogne, Nouvelle-Aquitaine) : 22 cas. Un foyer marquant, car c’est la première fois qu’un tel épisode est observé dans cette région.
- Castries (Hérault, Occitanie) : 14 cas.
- Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) : 14 cas.
- Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) : 13 cas.
Et fait inédit, des cas ont été confirmés dans des territoires jusque-là épargnés par la transmission autochtone, comme le Grand Est ou la Bourgogne-Franche-Comté.
Concrètement, cela signifie que le moustique tigre est désormais capable de transmettre le virus bien au-delà du pourtour méditerranéen, ce qui élargit considérablement la zone à risque.
D’où vient cette flambée ? Un moustique implanté partout ou presque
Selon l’ANSES, en 2025, le moustique tigre (Aedes albopictus) est implanté dans 81 départements français, sur les 96 que compte la métropole.
Ce vecteur invasif, originaire d’Asie du Sud-Est, présente une capacité d’adaptation étonnante : ses œufs sont résistants aux variations extrêmes de température et peuvent entrer en diapause, favorisant sa dissémination même en zones tempérées.
En Europe, cette expansion est spectaculaire : 369 régions établies dans 16 pays européens, contre seulement 114 il y a dix ans.
Des cas importés massifs qui enflamment la chaine de transmission
Depuis le début de l’année 2025, la France fait face à une vague sans précédent de cas importés de chikungunya :
- Entre le 1er mai et le 8 juillet, 761 cas importés ont été recensés selon Santé publique France.
- Plus globalement, plus de 900 cas importés ont déjà été notifiés depuis le début de l’année, principalement en provenance de La Réunion, ce qui représente une hausse drastique par rapport à 2024 (34 cas).
- Ce flux constitue une source permanente de danger : ce sont ces cas infectés (les fameux “cas index”) qui, piqués à leur retour par Aedes albopictus, peuvent enclencher une chaîne de transmission locale.
Des conditions climatiques idéales pour le moustique
Le climat français cet été a été particulièrement propice à l’extension du moustique tigre : chaleur, humidité, orages… autant de conditions qui accélèrent son cycle de développement.
Le réchauffement climatique joue un rôle clé : il prolonge la saison d’activité du moustique (de mai jusqu’en novembre), accélère la maturation des larves, et réduit la durée d’incubation du virus dans l’insecte, ce qui le rend infectueux plus rapidement.
Des études montrent que chaque degré supplémentaire raccourcit de manière significative le cycle viral à l’intérieur du moustique, intensifiant ainsi le risque d’obtention d’un vecteur infectieux. Cet été, la France a connu un été chaud et parfois orageux, conditions idéales pour booster les populations de Aedes et accroître les interactions homme-vector.
Une souche virale particulièrement adaptée au moustique tigre européen
Les analyses du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) confirment que certaines souches de chikungunya sont particulièrement bien adaptées à Aedes albopictus, même en climat tempéré. Cette adaptation améliore la transmissibilité du virus dans des régions comme l’Europe.
L’ECDC signale d’ailleurs en 2025 un record de 27 foyers de chikungunya autochtone en Europe, y compris un cas en Alsace, région encore considérée comme peu à risque, ce qui témoigne de la montée de la menace du nord au sud.
Chikungunya : de quoi parle-t-on exactement ? Qu’est-ce que le chikungunya ?
Le chikungunya est une infection virale transmise par les moustiques Aedes. Son nom signifie “celui qui se recroqueville” en swahili, en référence aux douleurs articulaires violentes qu’il provoque.
Les symptômes apparaissent généralement entre 2 et 10 jours après la piqûre :
- fièvre brutale,
- douleurs articulaires et musculaires intenses,
- maux de tête,
- éruptions cutanées.
La maladie guérit dans la majorité des cas en 1 à 2 semaines, mais les douleurs articulaires peuvent persister plusieurs mois, voire plusieurs années chez certains patients. Il n’existe ni vaccin homologué, ni traitement antiviral spécifique. La prise en charge est uniquement symptomatique (antalgiques, repos, hydratation).
Quelles mesures sanitaires sont prises ?
À chaque foyer détecté, les Agences régionales de santé (ARS) déclenchent un protocole strict :
- enquête épidémiologique pour retrouver tous les cas,
- désinsectisation dans un rayon de 150 à 300 mètres (produits adulticides), répétée à 48 heures d’intervalle,
- alerte des professionnels de santé pour détecter rapidement de nouveaux cas,
- sécurisation des dons de sang, d’organes et de tissus dans la zone concernée (mesure préventive pour éviter une transmission transfusionnelle).
Cette stratégie fonctionne si la détection est rapide. Mais plus la circulation s’étend, plus le contrôle devient difficile.
À SAVOIR
Au-delà des 228 cas, c’est le signal sanitaire qui alerte les autorités. Le chikungunya est désormais capable de s’installer durablement en France métropolitaine. Cette convergence d’arboviroses (chikungunya, dengue, zika) montre que la France entre dans une nouvelle ère sanitaire : celle où les maladies tropicales deviennent des réalités hexagonales.
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