En convoquant un vote de confiance le 8 septembre prochain, François Bayrou a mis sa survie et celle de son gouvernement en jeu, ce qui n’a pas manqué de faire réagir la presse européenne.

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Publié le 28/08/2025 13:54

Temps de lecture : 8min

Le Premier ministre français François Bayrou à la sortie du conseil des ministres au Palais de l'Élysée, le 27 août 2025. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Le Premier ministre français François Bayrou à la sortie du conseil des ministres au Palais de l’Élysée, le 27 août 2025. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

François Bayrou est-il plus convaincant en dehors de nos frontières ? Nos voisins européens scrutent la situation politique française après que le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement lors d’un vote de confiance, prévu lundi 8 septembre, en espérant persuader les partis de la nécessité de réduire la dette et le déficit de la France. Sur TF1, mercredi soir, François Bayrou a de nouveau tenté de convaincre les oppositions nationales de ne pas le renverser, sans succès. Cette période d’incertitude qui s’ouvre en France inquiète également les journaux européens.

En Allemagne

Outre-Rhin, « on attend que le partenaire français soit fiable sur la gestion de ses finances », affirme sur franceinfo Léo Klimm, correspondant à Paris du journal allemand Der Spiegel. « Cette crise est durable en France, elle est structurelle et elle risque d’affecter l’Europe entière par ricochet si les Français ne parviennent pas à faire d’économies », ajoute-t-il. 

Pour Léo Klimm, il s’agit « d’une manœuvre kamikaze du Premier ministre » et « c’est terriblement inquiétant parce que la France a un système politique qui est fabriqué pour créer de la stabilité, et, là, on en est au bout, il ne livre plus cette stabilité. » « Et derrière ça, il y a les divisions de la société française, la montée des forces radicales et antieuropéennes. Mais c’est un mouvement global qui s’empare d’à peu près toutes les sociétés occidentales et qui existe aussi en Allemagne », souligne le journaliste d’outre-Rhin.

En Italie

« La crainte italienne est la contagion de l’augmentation des taux d’intérêt », déclare, également sur franceinfo, Alberto Toscano, journaliste italien et éditorialiste à Paris. Il rappelle que son pays est parvenu à redresser ses finances publiques ces dernières années, même s’il garde un poids de la dette important. « Une éventuelle contagion à partir de la France, motivée par l’actuelle instabilité politique française, pourrait avoir des conséquences assez négatives pour les taux d’intérêt sur la dette publique italienne », souligne-t-il.

Pour lui, « ce qui est inédit, c’est l’addition des crises, politique, économique, financière et institutionnelle. Aujourd’hui, la véritable nouveauté, à mon sens, est le fait que les institutions de la Ve République sont mises à rude épreuve ». Il ajoute que « les Italiens ont quand même du mal à comprendre le fait qu’un Premier ministre qui est au pouvoir depuis plusieurs mois demande aujourd’hui la confiance du Parlement. En Italie, le gouvernement demande la confiance quand il prend le pouvoir, pas un an après. »

Au Royaume-Uni

Dans son éditorial de mercredi, The Guardian ne mâche pas ses mots. « Le pari d’austérité de François Bayrou ne mérite pas d’être récompensé », titre le quotidien britannique de centre gauche. « La chute probable d’un autre Premier ministre porte un nouveau coup à la présidence en berne d’Emmanuel Macron. Un changement de priorités s’impose », poursuit-il. La dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024, a placé Emmanuel Macron en position de « canard boiteux pour son second mandat », juge le journal. « Ce pari raté en a maintenant conduit à un autre, qui semble tout aussi voué à l’échec. Cette semaine, le quatrième Premier ministre de M. Macron en deux ans a mis en jeu l’avenir de son gouvernement minoritaire, tentant de faire adopter un budget profondément impopulaire cet automne. »

The Guardian ne cache pas son pessimisme : « Les chances que le pari du Premier ministre se réalise semblent extrêmement minces. La perspective de l’effondrement d’un deuxième gouvernement de centre droit, suite à l’échec de l’austérité, a déjà suscité un malaise sur les marchés. Mais c’est au gouvernement qu’il incombe de se remettre en question politiquement, et non à l’opinion publique ou aux députés de l’opposition », poursuit-il, cinglant. Avant de conclure sévèrement : « Avec une vague de grèves et de manifestations prévues deux jours après la décision sur le sort de M. Bayrou, la présidence de M. Macron s’essouffle sur fond d’animosité intérieure et de stagnation politique. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. »

En Espagne

Le quotidien espagnol El País revient sur la solidarité entre le président français et son Premier ministre, mercredi, en titrant « Emmanuel Macron affiche son soutien à Bayrou et tente de rassurer sur la solidité de l’économie française ». « C’est la première fois que le président de la République s’exprime depuis l’annonce de Bayrou lundi dernier », rappelle le journal pour qui « la décision du Premier ministre laisse le gouvernement en suspens, les partis d’opposition, de gauche comme d’extrême droite, ayant rapidement annoncé leur refus de le soutenir. »

« Ce premier Conseil des ministres après les vacances d’été pourrait être l’avant-dernier rendez-vous du gouvernement actuel si les partis d’opposition mettent leur menace à exécution et refusent finalement d’accorder leur confiance à Bayrou. Actuellement minoritaire à l’Assemblée nationale, il ne bénéficie que du soutien verbal du Parti républicain conservateur », souligne El País, qui ne croit pas vraiment à la survie politique du Palois.

En Belgique

Le journal belge Le Soir parle, quant à lui, du « coup de poker de François Bayrou ». « Le camp présidentiel fait mine de croire à un ‘trou de souris’ qui permettrait de maintenir le gouvernement en place », écrit la correspondante du quotidien belge à Paris. Plusieurs scénarios sont sur le bureau d’Emmanuel Macron selon elle. Le président peut tenter de trouver un troisième Premier ministre depuis la dissolution de juin 2024. Sébastien Lecornu et Catherine Vautrin, respectivement ministre des Armées et ministre de la Santé, du Travail, des Solidarités et des Familles sont des candidats solides, croit le journal.

Mais le chef de l’État pourrait « aussi (deuxième coup de poker après celui de Bayrou ?) jouer la carte de l’opposition et placer la gauche devant ses responsabilités en nommant à Matignon une personnalité issue de ce camp ». En choisissant cette deuxième option, Emmanuel Macron ferait « le pari de [son] échec », souligne le quotidien bruxellois, la gauche étant divisée entre La France insoumise et le Parti socialiste.

En Suisse

Le média Blick, dont la version francophone est exclusivement en ligne, s’est prononcé de façon très sévère sur la situation française par la plume de son éditorialiste, Richard Werly : « La France n’est pas au pied de la falaise. Elle est en train de tomber. Le pays a déjà un pied dans le vide. » « Le problème est que la France, notre voisin et partenaire, va se faire très mal en tombant de cette falaise. Même si la confiance est votée, ce qui serait un succès extraordinaire (et aujourd’hui très improbable) pour Bayrou, son projet de budget 2026 et ses 44 milliards d’euros d’économies ne suffiront de toute façon pas à redresser la barre économique », poursuit-il.

L’éditorialiste tient le chef de l’État français pour responsable de la situation actuelle : « La question, dès lors, est de savoir pourquoi le Premier ministre en est arrivé là. Et pourquoi Emmanuel Macron, ce président modernisateur qui a fortement alourdi les finances publiques de son pays à hauteur de 1 000 milliards d’euros depuis dix ans, n’a pas agi autrement ou tiré le signal d’alarme beaucoup plus tôt ? »