Près de 14 800 élèves font leur rentrée dans les 89 écoles publiques rennaises. Avec plus de 110 millions d’euros investis dans l’enfance et la jeunesse, la Ville de Rennes affiche sa priorité éducative. Mais derrière les grands projets et les dispositifs innovants, les familles et les équipes éducatives constatent des progrès réels… et des fragilités persistantes.
Des chantiers d’ampleur, mais une attente prolongée
Depuis 2020, Rennes a ouvert quatre nouveaux établissements (Pasteur, Simone-Veil, Toni-Morrison, Miriam-Makeba). Les prochains grands chantiers — Volga, Guyenne, Clemenceau, Albert-de-Mun — représentent à eux seuls près de 19 millions d’euros. Mais ces livraisons s’échelonnent jusqu’en 2027. D’ici là, certains établissements restent à l’étroit ou vivent au rythme des travaux. Même constat pour les crèches : la reconstruction de Papu et Henri-Wallon est en cours, Bois-Perrin n’ouvrira pas avant 2028. La dynamique est tangible, mais elle se heurte au temps long des infrastructures et aux attentes pressantes des familles.
Une école plus écologique, mais encore inégale
Un tiers des investissements scolaires concerne la performance énergétique et le confort thermique. Isolation, panneaux solaires et cours végétalisées sont désormais intégrés aux projets. Depuis 2020, quinze cours d’écoles ont été transformées en îlots de fraîcheur, dont celles de Torigné et Sonia-Delaunay à l’été 2025. Pourtant, la majorité des établissements restent confrontés aux surchauffes estivales et à des bâtiments vieillissants. Les ambitions climatiques sont réelles, mais leur application reste progressive, école après école. Au final, le rythme est-il le bon ?
Sécurité et mobilités : un dispositif encore limité
Les « rues aux écoles » se déploient : cinq établissements en bénéficient déjà, deux sites sont pérennisés cette année (Guillevic, Oscar-Leroux) et une expérimentation démarre à Jean-Moulin. Ces fermetures temporaires aux voitures sécurisent les trajets et favorisent l’autonomie des enfants. Mais seules quelques écoles sont concernées, et ailleurs, les abords restent marqués par la densité automobile et les stationnements difficiles. La sécurité progresse, mais par zones, laissant un paysage encore inégal selon les quartiers.
Dans certains cas, la problématique dépasse largement la circulation. Autour de l’école du Gros-Chêne, à Maurepas, des familles et enseignants alertent depuis longtemps sur la présence récurrente de trafics aux abords, parfois accompagnés de chiens d’intimidation. Cette situation, banalisée par son caractère quotidien, interroge profondément : comment garantir la sérénité d’un cadre scolaire lorsque l’environnement immédiat véhicule un sentiment d’insécurité ? L’exemple illustre la tension entre l’ambition d’une ville éducatrice et la réalité du terrain, où l’école, censée être un sanctuaire, se trouve fragilisée par une violence ordinaire qui finit par sembler tolérée. Et les riverains de s’interroger : les a-ton abandonnés ?
Le Projet éducatif local : inclusion, nature et citoyenneté
Adopté en 2023, le Projet éducatif local (PEL) veut faire de Rennes une « ville éducatrice » en luttant contre les inégalités. Ses axes majeurs sont :
- Inclusion : un plan de formation avec l’ADAPEI35 et ASKORIA pour mieux accueillir les enfants en situation de handicap.
- Nature : le Plan Local d’Éducation Nature (PLEN’R), adopté en 2025, engage déjà 230 classes dans des « écoles dehors ». Mais la logistique reste complexe.
- Santé : apprentissage renforcé du vélo et de la natation, même si tous les élèves n’en bénéficient pas encore.
- Participation : en 2026, cinq écoles de La Pommeraie disposeront de 50 000 € pour financer des projets proposés et votés par les enfants.
Ce cadre est porteur d’une vision généreuse, mais son déploiement reste souvent partiel et dépendant des moyens humains.
Dotation scolaire : un soutien utile mais limité
Comme chaque année, la Ville verse une dotation de 40 € par élève pour les fournitures, représentant une économie réelle grâce aux prix négociés. Mais pour de nombreuses familles, ce coup de pouce ne compense pas la totalité des coûts liés à la scolarité (cantine, activités, extras).
Carte scolaire : un équilibre fragile
La stabilité des effectifs masque un jeu d’ajustements permanents : huit ouvertures et six à huit fermetures de classes cette année. Certaines écoles voient leurs effectifs augmenter, d’autres redoutent un affaiblissement. L’ouverture d’une unité pour élèves allophones (UPE2A) à l’école Andrée-Chedid illustre la volonté d’inclusion, mais ajoute une charge supplémentaire pour les équipes.
Entre volontarisme et réalité du terrain
Les chiffres certes impressionnent : 82 millions d’euros investis d’ici 2027, 1 500 agents municipaux mobilisés, 26 centres de loisirs, 49 restaurants scolaires. Rennes se donne incontestablement les moyens d’une politique éducative ambitieuse. Mais, sur le terrain, enseignants, parents et animateurs témoignent d’un quotidien plus nuancé… Notamment les délais de chantiers, disparités entre quartiers, pressions démographiques, fatigue des équipes.
La rentrée 2025-2026 rennaise se lit ainsi à deux vitesses : celle d’une Ville qui affiche une ambition éducative forte, et celle des réalités quotidiennes où la mise en œuvre reste souvent partielle et progressive. L’exemple du Gros-Chêne illustre cette tension : l’école est au cœur des discours, mais parfois en première ligne d’une violence banalisée que la collectivité échoue à enrayer.