Avec poésie, Gil Lorfèvre photographie les bois flottés et les paysages du Grand radeau, une plage de Camargue grignoté par l’avancée de la mer.
Entre la plage du Grand Radeau aux Saintes-Maries-de-la-Mer et Gil Lorfèvre, c’est une longue histoire. L’ancien journaliste à Midi Libre, passionné de photo, fréquente depuis une trentaine d’années ce lieu secret de Camargue. Il y a une quinzaine d’années, il a commencé à photographier les bois flottés échoués dans ce paysage « magnifique, chaotique, violent, sauvage ». Cela donne aujourd’hui naissance au livre Éphémère, publié par la maison d’édition nîmoise Atelier Baie.
Les bois flottés comme des témoins
Au départ, il a cherché dans ces décombres des images, un bestiaire monstrueux. Peu à peu, il s’est aussi intéressé aux constructions faites sur place avec ces bois flottés, comme des tipis abandonnés par des Indiens de passage. Gil Lorfèvre a été frappé par cet éphémère, car au fil du temps, il a aussi vu la mer avancer inexorablement, franchir la digue… « Ces bois flottés sont les derniers témoins de ces plages qui disparaissent », explique Gil Lorfèvre, qui après la démarche documentaire de son livre Dynasties de Camargue a voulu s’orienter vers la poésie, l’artistique.
Dans un noir et blanc qui évoque les charognes de Lucien Clergue que Gil Lorfèvre a connu, les photos argentiques au moyen format et non retouchées racontent aussi la fragilité de cet environnement. Gil Lorfèvre le sait : « Ce paysage va disparaître. Ce qu’on a connu, nos enfants ne le connaîtront peut-être pas. C’est la loi du genre, mais l’art de la photo, c’est de pouvoir garder, fixer ces moments qui deviennent éternels ».
En quelques mots, écrits à main levée, Gil Lorfèvre complète ses images de vers qui disent aussi cette incertitude, cette nature vulnérable, ce temps qui passe, ce « funeste destin » que les vagues viennent effacer.
« Éphémère », de Gil Lorfèvre. Éditions Atelier Baie, 88 pages. 20,90 €.