Quatre réactions à chaud, celles de Franck Cannata, Pierre Ippolito, Betty Seroussi et Jean-Pascal Decroix. Entre incompréhension et agacement, une chose est sûre, François Bayrou n’aura pas réussi à consolider la cohésion entre mondes politique et économique, bien au contraire. A une exception près.
> Franck Cannata,
président de l’UPE 06,
groupe Transcan
« Une suite de constats connus et reconnus »
« Le discours de François Bayrou ? Des constats, généraux. Sur nos entreprises et nos filières d’excellence, que nous connaissons bien. Et beaucoup , beaucoup trop de… littérature. Mais côté réduction de la dette notamment, aucune solution envisagée à court, moyen ou long terme. Tout au long de son discours, le Premier ministre a comparé « l’ancien » et le « nouveau » monde, comme si le « nouveau » monde était devant nous…Les évolutions, les innovations, les grands virages sont pris depuis plusieurs années, et ce qui nous a été vendu dans ce discours, ce sont des constats d’un passé révolu depuis longtemps. C’est inquiétant, très inquiétant. » Les 211 Mds€ d’aide aux entreprises, brièvement évoqués par François Bayrou ? « Cela ressemble plutôt à un effet d’annonce, un de plus, dont on ne comprend pas bien le sens… » Autre observation, ce Premier ministre là a tout l’air d’avoir acté un vote de confiance, le 8 septembre, en forme de défaite. « Pour nous, ça n’est pas forcément la bonne solution pour la stabilité de la France et de ses activités, pour autant tout est semble-t-il digéré.. Il faudra pourtant retrouver de la stabilité si nous voulons que nos entreprises perdurent et se développent. »
> Pierre Ippolito
Past-président de l’UPE 06
Groupe Ippolito
« Atterré par tant de médiocrité »
« Un homme de l’ancien monde qui nous explique comment en sortir et aller vers un nouveau monde dont il ne connaît visiblement rien… Du langage d’énarque, qui n‘est plus compatible ni avec nos besoins ni avec la mise en place d’une dynamique nécessaire pour réformer notre pays. ». Ce que le past-président de l’UPE 06 aurait aimé entendre ? « Du dynamisme, de l’espoir, et surtout des choix, forts, assumés, sans se cacher derrière un consensus qu’on n’atteindra jamais. Un Premier ministre, pour moi, est là pour assumer, pour convaincre, et surtout arriver avec des propositions. Il nous a aussi parlé des aides aux entreprises… De la pure démagogie, on n’aide pas les entreprises, parfois on peut nous alléger en termes de taxes, mais à la fin, il reste encore énormément de contributions positives. » Des phrases vides ou sans réel sens, trop techniques ou hors sujet, « des citations latines pour nous montrer le chemin du nouveau monde, je veux bien admettre qu’il faut comprendre le passé pour construire l’avenir, mais moi, entrepreneur, j’ai besoin d’un Premier ministre, pas d’un prof d’histoire… »
> Betty Seroussi
coprésidente de la French Tech Côte d’Azur
Travel Planet
« Se débrouiller tout seuls, comme d’habitude »
« J’ai passé un bon moment, j’ai fait un peu d’histoire, un peu d’archéologie, j’ai appris beaucoup de choses sur la politique internationale, mais in fine, sur l’avenir, pas grand chose… » Sourire en coin, Betty Seroussi s’interroge. Pas de quoi rassurer des chefs d’entreprise qui jouent les équilibristes et jonglent entre les crises. « A vrai dire, avant le discours, je ne m’attendais pas forcément à quelque chose, mais là, à part nous faire peur avec du creux et des contradictions… Nous ferons ce que nous savons déjà faire : se débrouiller tout seuls. » Une chose est sûre, ça sent le sapin pour l’actuel gouvernement, « et cette instabilité permanente nous inquiète, à l’heure où les autres pays européens, plus agiles et plus stables, creusent l’écart. On va changer de gouvernement, c’est certain. Ensuite ? Les fêtes de Noël, c’est tout aussi certain, puis les Municipales, puis les Présidentielles… Et nous ? On va ramer, comme d’habitude. Avec la désagréable sensation d’être pris pour les dindons de la farce. »
> Jean-Pascal Decroix
UPE 06
DX Groupe (STME)
« Les politiques passent, les entreprises restent »
Pour faire perdre son optimisme à Jean-Pascal Decroix, il faut taper fort, et longtemps. « Il faudrait que nos politiques comprennent que nous n’avons pas besoin de constats, mais d’actions et d’outils pour agir. » Tout de suite, le moral reprend le dessus : « nous, entrepreneurs, devons rester confiants, il y a encore des choses à faire, il faut rentrer chez nous avec l’envie de motiver nos équipes, qui sont aussi perdues que nous au vu de l’absence de cap. C’est à nous, dirigeants, d’avoir une vision positive, de nous montrer rassurants, à l’heure où pourtant nous connaissons des difficultés. C’est maintenant qu’il faut être soudés. On y arrive, d’ailleurs les politiques s’en aperçoivent et commencent à dire qu’ils ont besoin de nous, notamment pour faire passer des messages aux citoyens que sont nos collaborateurs. A nous de montrer aux politiques qu’il faut faire entrer les entrepreneurs dans le jeu. Ce que je vais dire est sans doute un peu brutal, mais la réalité, c’est que les politiques passent, et que les entreprises restent. » Son analyse du discours se veut plus clémente, sans pour autant pardonner quelques faiblesses. Le grassois mise sur une poussée de stress positif, sportif oblige : « on le voit, c’est à nous de chercher des solutions, collectivement. Et de faire passer nos messages d’abord à nos élus de territoires. La souveraineté se contruira au niveau local dans un premier temps, j’en suis persuadé. Et oui, le Medef peut et doit peser. » Plus qu’un discours de François Bayrou.