Ce lundi 25 août, Mohammed M., Mineur Non Accompagné (MNA) somalien, est orienté vers le commissariat Auvare à Nice par le Secours Catholique.
Il passe ensuite la nuit enfermé dans un box, sans possibilité de boire ou de se nourrir. Des conditions d’accueil « déshumanisantes » que dénonce l’association Tous Citoyens.
David Nakache, président de l’association, pour qui ce genre de situation n’est pas une première, explique que les migrants mineurs qui se présentent seuls se font souvent « refouler » de ce poste de police, qui connait une forte affluence.
« Quand ils arrivent au commissariat, ils ne voient même pas le visage de leur interlocuteur, qui est derrière une vitre teinté, raconte David Nakache. Ils ne parlent pas français, on leur dit de revenir plus tard, et ils peuvent attendre des heures dehors, sous la pluie, ou en pleine nuit. Donc souvent ils repartent sans faire valoir leurs droits. »
Car effectivement, passer les frontières en étant mineur n’est pas illégal. Les jeunes MNA doivent ensuite bénéficier des aides sociales et de la protection de l’enfance.
« S’ils sont acceptés au commissariat, ils sont parqués dans un petit box avec des barreaux aux fenêtres, parfois à plusieurs. Sans matelas, sans nourriture, sans possibilité d’aller aux toilettes et sans accompagnement social alors que ce sont des jeunes qui ont vécu des traumatismes », déplore le président de l’association.
Lundi soir, Mohammed M. était « en panique et tapait à la porte, sans réponse ni explications ».
Avertie, l’association joint le commissariat qui leur dit ne pas avoir les moyens de le nourrir.
Les bénévoles proposent alors d’apporter un repas, mais à leur arrivée au poste, ils se voient finalement refuser l’entrée, et seule une bouteille d’eau sera apportée à Mohammed M.
Un protocole d’accord entre le Département et la Préfecture
Depuis décembre 2019, un protocole d’accord discret entre le Département des Alpes-Maritimes, le Préfet et les procureurs de Grasse et de Nice impose aux MNA de passer par cet unique poste de police, avant d’être accompagné par un travailleur social du Département.
En temps normal, un mineur se présente directement auprès du Conseil du Département pour être accompagné. Alors sur le papier, ce protocole vise à « contrôler l’identité, pour éviter les fraudes ou les risques de terrorisme », selon l’association Tous Citoyens.
Mais en pratique, « personne ne prend les empreintes et vérifie quoi que ce soit, ils font simplement un signalement au Conseil départemental pour qu’ils envoient un éducateur chercher le mineur, affirme David Nakache. Ils ne font qu’attendre, dans des conditions inadaptées. »
Dans le texte, consulté par Nice-Matin, seul l’article 1, alinéa 3 mentionne les services de police : « Les personnes se présentant comme mineures, à la demande des services de police de l’air et des frontières, de police ou de gendarmerie, bénéficient d’une prise en charge administrative, qualifiée de « mise à l’abri », pouvant durer jusqu’à 23 jours. Elle vise à assurer une protection aux jeunes, potentiellement mineurs isolés étrangers, le temps que les services de protection de l’enfance procèdent à des investigations concernant ce statut. »
Rien d’explicite sur le commissariat Auvare à Nice donc.
Pourtant, selon David Nakache, la police et le Département se réfèrent à ce texte pour justifier cette étape.
Pour l’heure, la Préfecture n’a pas répondu à nos sollicitations.
Une mesure pour limiter l’immigration dans le département ?
« Lorsqu’on échange avec les policiers d’Auvare, rapporte le président de Tous Citoyens, on entend certes des propos xénophobes, mais aussi certains qui nous disent qu’ils font tout ce qu’ils peuvent pour accompagner les MNA mais n’ont pas de moyens. »
David Nakache décrit des policier « en souffrance et surchargés »: « Ce n’est pas leur rôle d’accueillir des mineurs migrants, ils n’ont ni le temps, ni les moyens financiers, ni les locaux adaptés. »
« Alors qu’ils devraient être en foyer, ces jeunes passent la nuit en errance dans la rue, sans information, ont froid et faim. Et ils finissent par renoncer », appuie l’association.
Pour eux donc, cette mesure vise surtout à les inciter à renoncer à leur droit d’être accueillis dans les Alpes-Maritimes, et de continuer leur chemin vers un autre département.
Une éventuelle manière déguisée de limiter l’immigration.
Adapter les lieux d’accueil
David Nakache souhaiter que les autorités revoient le dispositif d’accueil dans les Alpes-Maritimes, si le protocole doit être maintenu: « Il faut arrêter de les traiter comme des délinquants. C’est déjà sidérant que la préfecture et le département signent cet accord mais ne prévoient rien pour le mettre en place. On espère donc que le nouveau préfet, Laurent Hottiaux, va se saisir de cette question. »
L’association a également engagé une action en justice à l’encontre de ce protocole.
Aujourd’hui, Mohammed M. est accompagné par un éducateur du Département, et il attend son évaluation de minorité.