Mieux reçu par les journalistes, l’autre poids lourd de cette seconde journée de la Mostra, Bugonia, où brille Emma Stone, repart avec sept minutes d’applaudissements.

C’est le baromètre, certes frivole, mais incontournable des festivals : la salve d’applaudissements qui clôt une avant-première. Indication empirique qui indique si un film a trouvé des partisans, s’il est capable de rester dans les mémoires et les cœurs jusqu’au palmarès. Réputés plus généreux et accommodants que le public cannois, les spectateurs de la Mostra de Venise ont tout donné jeudi soir, au deuxième jour de la Mostra, délivrant une ovation de dix minutes à Jay Kelly, la nouvelle comédie de Noah Baumbach sous pavillon Netflix, dans laquelle George Clooney joue une star américaine en plein doute après ses retrouvailles amères avec un ancien camarade de cours de théâtre.

Faut-il y voir une vraie adhésion ou plutôt un signe de joie à la vue de George Clooney dans la salle ? Le comédien américain souffrant d’une sinusite a dû annuler sa participation à la conférence de presse et à la séance photo du film. Il a donc été accueilli, jeudi soir, en héros. Les critiques s’avèrent beaucoup plus circonspects sur sa performance. Sur les grilles d’annotation de la presse, Jay Kelly obtient seulement 2,5 sur 5.


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«Jay Kelly est ainsi une sorte d’autoportrait peu flatteur. Clooney n’est pas un très bon acteur et il est suffisamment intelligent pour le savoir. On s’en rend compte ici à chaque scène où Adam Sandler (son agent), bien meilleur, lui donne la réplique», remarque l’envoyé spécial du Figaro  à Venise Étienne Sorin. «Jay Kelly est le moins bon film de Noah Baumbach qui semble subir l’influence de Netflix. Musique cheesy omniprésente, clichés dignes d’Emily in Paris, personnages bâclés». «Même George Clooney ne peut sauver ce film désastreux de Noah Baumbach, œuvre de ciné-narcissisme follement sentimentale et complaisant», opine le quotidien britannique The Guardian. «George Clooney joue la star de cinéma, mais Adam Sandler brille de mille feux dans la comédie de Noah Baumbach, qui met plus souvent à distance qu’elle ne désarme», regrette The Hollywood Reporter .

Emma Stone fait le plein

Le réalisateur Yorgos Lanthimos et l’actrice Emma Stone.
Yara Nardi / REUTERS

L’autre poids lourd de la journée, la satire Bugonia, quatrième film entre le réalisateur grec Yorgos Lanthimos et sa muse Emma Stone, est reparti avec 7 minutes d’ovation mais davantage de compliments de la part des journalistes et un meilleur score de 3,3. Emma Stone incarne Michelle Fuller, la PDG d’une entreprise, kidnappée par l’un de ses employés, manutentionnaire, Teddy (Jesse Plemons), qui croit très sérieusement que Fuller est une alien, responsable de la maladie de sa mère.

«Emma Stone a effectué un beau travail de sape de son image de jeune première. Humour noir, rire jaune, on retrouve les couleurs préférées de Lanthimos, très à l’aise dans ce récit qui tire sur tout le monde, conspirationnistes et puissants. On dirait Fargo des frères Coen revu par un tenant de la collapsologie», salue Étienne Sorin. «Lanthimos est au sommet de sa vision nihiliste. Emma Stone déploie une volubilité maniaque. Bugonia est une expérience enivrante et captivante, en grande partie parce qu’elle prend la forme d’un duel — tactique, philosophique, brutal — entre deux personnages outrageants», note Variety.

Ne pas s’emballer trop vite

Certains experts de la course aux Oscars s’aventurent déjà à prédire une nomination assurée à Emma Stone. Voire une troisième statuette, ce qui la mettrait sur un pied d’égalité avec Meryl Streep et la rapprocherait du record de Katharine Hepburn, lauréate de quatre Oscars. À ce stade, un tel enthousiasme est à prendre avec précaution. La Mostra livrera son palmarès le 6 septembre. Puis vedettes et «Oscarologues» mettront le cap sur les prochaines étapes de la saison des prix, les festivals de Toronto et Telluride. Plusieurs films très attendus y auront leur avant-première. À commencer par Hamnet de la réalisatrice de Nomadland Chloé Zhao, qui réunit Paul Mescal et Jessie Buckley pour dresser le porter d’un William Shakespeare endeuillé.