John Williams, le compositeur mythique des BO de Star Wars, Jurassic Park, Harry Potter et tant d’autres, n’est pas un si grand fan de son métier…
Longtemps déconsidérée (surtout dans le cercle des professionnels de la musique classique), la bande-originale pour le cinéma a désormais acquis une certaine noblesse, qu’on doit en grande partie au talent de John Williams. Non content d’avoir mêlé son passif de jazzman dans ses inspirations classiques, sa gestion de l’orchestre symphonique et de la composition thématique tendance Wagner a eu un impact considérable sur le monde du septième art, d’Indiana Jones à E.T. en passant par Star Wars, Les Dents de la mer ou La Liste de Schindler.
Dans le documentaire Disney+ Music By John Williams, il est montré que, dans les années 80, le compositeur a mis du temps avant d’être considéré par l’orchestre Boston Pops, dont on lui avait confié la direction. Aujourd’hui, on ne remettrait plus en question des Hans Zimmer ou des Michael Giacchino, et pourtant, le maître a son avis sur l’état de la musique de film.
Une image qu’on peut entendreUn nouveau désespoir
John Williams est arrivé à la musique de film par la petite porte, travaillant d’abord sur des séries télévisées en tant qu’arrangeur, avant de monter en grade au fur et à mesure. Encore aujourd’hui, son aura lui permet de s’essayer à la composition en dehors du cinéma, dans des élans plus expérimentaux et dissonants. Y aurait-il une frustration pour celui qui a pourtant redéfini tout un médium ?
Étonnamment, l’homme qui n’a cessé de défendre la valeur des bandes-originales est revenu sur ses propos lors d’une interview pour une future biographie, rapportée par The Guardian :
« Je n’ai jamais vraiment aimé la musique de film. Aussi bonne puisse-t-elle être – et c’est rarement le cas, à part pour huit minutes par-ci par-là… Je crois juste que la musique n’y est pas. Ce qu’on perçoit comme ce grand et précieux morceau de musique de film, on s’en souvient surtout de manière nostalgique… »
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Cela peut sembler dur, mais le compositeur a tenu à préciser sa pensée, notamment dans la manière qu’a eue la musique de film d’être considérée comme du « néo-classique », avec son exportation en dehors des salles de cinéma vers les salles de concert. Pour lui, la musique de film a sa part de fonctionnalité, au service d’un autre médium :
« L’idée que la musique de film ait la même place dans une salle de concert que les plus grands classiques me semble erronée. Beaucoup de bandes-originales sont éphémères. C’est en tout cas fragmenté, et tant que personne ne la reconstruit, ce n’est pas quelque chose qu’on peut considérer comme un morceau de concert. »
Étant donné que John Williams a composé, notamment pour Star Wars, de véritables opéras modernes, thématiquement complexes, on ne sait pas si sa réflexion relève de la fausse humilité ou d’un manque de clairvoyance. Là où on pourra en revanche le rejoindre, c’est sur le fait que la musique de film a perdu, dans beaucoup de cas, sa nature d’oeuvre autonome, pensée autant pour le film qu’elle accompagne que pour l’écoute isolée.
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La méthodologie de Hans Zimmer, aujourd’hui majoritaire dans l’industrie, repose sur le numérique et le sampling des orchestres pour composer plus aisément, et en accord avec des montages changeants. Le compositeur d’origine allemande est le premier à privilégier une connexion entre la musique et le sound-design, afin d’entremêler les sonorités avec des accords simples. La réaction est parfois plus viscérale, mais elle tend à se perdre dans un mixage qui laisse de moins en moins de place pour que la musique brille.
A 93 ans, John Williams a signé des compositions pour plus de 100 films, dont un sacré paquet de chefs-d’œuvre avec Steven Spielberg. Quoi qu’il dise sur sa propre carrière, on n’oubliera pas le génie de Duel of the Fates ou du thème d’Hedwig.