Fumer tue. C’est vrai. Mais fumer permet aussi d’atténuer les symptômes d’une maladie inflammatoire de l’intestin… et les chercheurs aimeraient bien avoir pourquoi. D’autant que le tabagisme empirerait les symptômes d’une autre maladie très similaire. Ce paradoxe médical observé depuis les années 1980 continue aujourd’hui de fasciner les spécialistes: comment la colite ulcéreuse se calme-t-elle avec la cigarette, alors que la maladie de Crohn s’aggrave?
Selon un article du magazine scientifique New Atlas, la réponse se trouverait dans la migration de certaines bactéries buccales vers l’intestin. D’après une étude de l’Institut de recherche physique et chimique au Japon (le RIKEN), la clé viendrait de notre microbiome. Les scientifiques ont montré que, chez les fumeurs, des bactéries de type Streptococcus colonisent la muqueuse du côlon à l’aide d’une molécule issue du tabac: l’hydroquinone.
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Fumer peut soigner?
En fonction de la pathologie, celle-ci peut produire des effets diamétralement opposés. Les chercheurs soulignent que ce déplacement bactérien n’a rien d’anodin. En s’implantant dans l’intestin, ces microbes suscitent une réponse immunitaire ciblée, l’activation des cellules Th1. En ce qui concerne les cas de colites ulcéreuses, l’activation de ces cellules limite les inflammations et réduit les symptômes.
Mais dans le cas de la maladie de Crohn, le cas inverse se produit. Les cellules Th1 sont au cœur du problème inflammatoire et leur stimulation, causée par l’hydroquinone, amplifie les lésions du patient. Elles entretiennent donc l’inflammation et, dans certains cas, aggravent la maladie. La cause est donc bien la même, mais elle entraîne des réactions immunes différentes.
«Nos résultats indiquent que le déplacement de bactéries de la bouche vers l’intestin, en particulier celles du genre Streptococcus, et la réponse immunitaire qui s’ensuit, expliquent pourquoi le tabac protège contre la colite», analyse Hiroshi Ohno, principal auteur de l’étude. Selon lui, la reproduction de cet effet bénéfique pourrait être possible par un apport contrôlé de bactéries ou par l’utilisation directe de l’hydroquinone, sans forcément avoir à s’en griller une petite.
Les chercheurs derrière l’étude insistent: il n’est évidemment pas question de recommander la cigarette comme un remède, mais cette découverte pourrait inspirer de nouveaux traitements contre la colite ulcéreuse.