Kelzang Ravach, qui fait partie du duo de réalisateurs Temple Caché (avec l’animatrice Marion Castéra), vient donc aussi de réaliser le nouveau clip de Stromae depuis leur nouveau studio « Station cachée » où tout est fait en circuit court, « caché » dans une ancienne gare de Lunel près de Montpellier. Soit, du « home made » de A à Z. « La particularité de ce studio est qu’on allie techniques traditionnelles (collages, etc.) et nouvelles technologies comme l’IA, détaille ce féru d’animation, ex-étudiant de l’ENSAV à la Cambre (Bruxelles) et qui a été influencé par Into the Void de Gaspar Noé ‐ mais avec des niveaux de réalités ou de cosmos moins sombres – pour ce nouveau clip. Et je pense que c’est ça qui leur a beaucoup plu. Il y a le regard du réalisateur mais aussi cette capacité à allier des techniques faites mains avec des nouvelles technologies. Comme on avait fait sur Snoop Dogg. Ce studio permet ainsi de répondre à une envie créative mais aussi de créer quelque chose de toutes pièces, sans que les artistes ne soient forcément présents en tournage. »

Capture d'écran du clip "Que ce soit clair" de Paul Kalkbrenner avec Stromae et réalisé par le duo de Temple Caché du studio Station Cachée.Capture d’écran du clip « Que ce soit clair » de Paul Kalkbrenner avec Stromae et réalisé par le duo de Temple Caché du studio Station Cachée. ©Temple Caché/Station Cachée

Donc vous et votre équipe n’avez pas tourné avec le duo ?

« Non, mais ils étaient très enthousiastes quand on a eu la demande. Ils connaissaient bien leur musique et ils se sont donc impliqués, et même filmés pour se mettre dans le clip. Ils ont transformé leur visuel et toute l’équipe du studio (une quinzaine de personnes, NdlR) se retrouve donc dedans avec leur alter ego. Sauf moi, je suis en dehors du truc (sourire) ! Mais ça m’allait bien. Ce projet m’a tout simplement rappelé les soirées berlinoises. L’ambiance de leur musique m’a inspiré pour réaliser et parler un peu de cet environnement. Ce type de fête qui est assez singulier. Avec toute cette diversité (noir ou blanc, femme ou homme, transgenre, etc.) reliée autour de la musique. C’était un très bon prétexte pour parler de quelque chose dont je n’avais pas encore parlé. Une ode à la diversité, l’étrangeté et le surréalisme. Ce mélange dans des décors hybrides. »

« Que ce soit clair » : le single de Stromae et Paul Kalkbrenner officiellement dévoilé (VIDÉO)

Aviez-vous carte blanche ou un panel de directives à respecter ?

« Non, carte blanche. Zéro brief sur le texte non plus, on pouvait l’interpréter comme on le voulait. La contrainte était simplement de représenter les deux artistes : Paul K et Stromae, à moindre mesure. Et de savoir comment est-ce qu’ils allaient être représentés. Le reste, c’était complètement libre. Le studio a donc proposé tout un concept visuel, à partir d’un scan de leurs visages et un travail sur leurs expressions faciales, qui se passe dans une soirée berlinoise. Et moi, j’ai écrit l’histoire dans ce concept-là de soirée, en gros. Il y a des années, j’avais déjà été à Berlin et je m’étais justement retrouvé dans des soirées où j’avais aucune idée où je mettais les pieds. C’était un peu ça que je voulais aussi traiter. Ce côté de la nuit infinie. Tu pousses une porte et t’es pris dans l’énergie, dans cette diversité, dans le mouvement, dans la musique. Ce qui m’a rappelé aussi ces moments de bien-être et d’amour, de sueur et de macadam, de lumières et de chair. C’est un clip un peu sensoriel. »

« On sait que Stromae est pointu en direction artistique mais son label a kiffé! »

Dans lequel on voit aux travers des yeux et du corps mouvant de Stromae…

« Exact. L’idée était de voir toute la soirée à travers les yeux de Stromae. Et qu’à un moment donné, il va se rafraîchir aux toilettes. Et là, du coup, on voit son reflet dans le miroir. C’est pour ça qu’on ne le voit qu’une fois parce qu’on est tout le temps dans son point de vue. C’est comme si lui, il était à cette soirée. Le concept était : comment mettre Stromae partout, comme avec ses paroles, sans qu’on le voit. Et qu’à un moment donné, on capte que c’est lui qui est là depuis le début. »

Capture d'écran du clip "Que ce soit clair" de Paul Kalkbrenner avec Stromae et réalisé par le duo de Temple Caché du studio Station Cachée.Capture d’écran du clip « Que ce soit clair » de Paul Kalkbrenner avec Stromae et réalisé par le duo de Temple Caché du studio Station Cachée. ©Temple Caché/Station Cachée

Vous n’avez donc rencontré ni Stromae, ni Paul K pour ce clip ?

« Non. On s’est juste fait un appel avec Paul Kalkbrenner. C’était hyperfluide, en fait, cette collaboration. On lui a présenté le concept. Il nous a donné un peu ses retours. Et il kiffait. Il nous a dit : ‘Si Stromae est chaud, moi, j’adore’. Quant à Stromae, je n’ai eu aucun échange avec lui, juste avec son département. Qui, eux, pareil, étaient là : ‘go, go, go !’ À part sur sa coiffure. On avait prévu une coiffure un peu plus extravagante pour Stromae. Et là, ils ont juste dit : ‘non, gardons l’image qu’il a actuellement’. Mais c’était le seul retour qu’on a eu, pas de coupe extravagante pour Stromae (sourire). Ce n’était pas d’actualité pour l’instant. En tout cas, sur le clip. On n’a vraiment eu que des retours positifs, cette collaboration a été une ligne droite parfaite dès la phase de recherche en amont. Et ils étaient très compréhensifs ensuite. Si jamais, on avait besoin de prendre plus de temps pour faire un plan ou de recherche artistique, il n’y avait aucun souci. Il fallait que ce soit fait quand même dans un temps court, mais ils ont été flexibles sur les délais (le clip a été bouclé en moins de deux mois, NdlR). Ils voulaient juste qu’on soit content de ce qu’on faisait. On avait par exemple proposé trois directions artistiques, trois looks différents à Paul K. Et lui nous a demandé notre préférée car ils voulaient que l’on travaille avec quelque chose dont on soit content à la fin. Donc, ça a été un peu ça, la ligne de conduite. Quant à Stromae, je me disais : ‘si ça tombe, il va se réveiller au milieu du processus et il va tout nous remballer’. Parce qu’on sait qu’il est pointu en direction artistique, etc. Mais quand on a eu le retour du label, c’était trop bien ! »

Stromae dans un bar bruxellois pour tourner son dernier clip (PHOTOS)

Et ça fait quoi de travailler pour la star de son pays ?

« Même si je bosse depuis des années en France, je reste un grand amoureux de la Belgique et de sa culture. C’est marrant comme j’y suis donc toujours lié. Ça m’a vraiment touché parce qu’à l’époque où j’habitais en Belgique, c’était le moment où Stromae a explosé. Je kiffais trop sa vibe. Ça m’a donc fait plaisir. Ça reste un artiste internationalement reconnu. C’est donc fou d’avoir un tel projet. »