Par
Rédaction La Presse de la Manche
Publié le
29 août 2025 à 21h48
Depuis dix jours, le nom de Tibi Jones, YouTubeur originaire de Digosville, agite les réseaux sociaux et la presse nationale. En cause : son voyage en Afghanistan, où il s’est affiché aux côtés de talibans.
Qui est Tibi Jones ?
Les lecteurs de La Presse de la Manche avaient déjà découvert son parcours en 2024 : un jeune Manchois de 24 ans, globe-trotter et vidéaste, qui parcourt le monde caméra à la main. Des pays en crise, des zones à risques : Liban, Syrie, Venezuela, Bangladesh, Sénégal… Depuis plusieurs années, il s’est fait connaître pour ses publications sans filtre avec sa touche d’humour.
Il aborde des sujets sensibles, souvent tournés en conditions précaires, diffusés sur sa chaîne YouTube où il privilégie les formats longs, « sans coupure, pour montrer la réalité brute ».
Sur Instagram, il partage également des vidéos plus courtes, parfois spectaculaires, qui suscitent débats et réactions.
Le déclencheur de la polémique
Le 18 août, Tibi Jones annonçait son départ : « Je vais passer 10 jours avec des talibans, mon but n’est pas de cautionner ou de valider mais bien de vous apporter la réalité du terrain. ».
Depuis, ses stories sur Instagram montrent des scènes de vie quotidienne en Afghanistan sans avoir de fil conducteur : mariages, repas partagés, marchés, femmes et enfants dans les rues, visites des écoles, paysages, mais aussi tirs à l’arme à feu, véhicules militaires.
Le youtubeur manchois Tibi Jones découvre les paysages d’Afghanistan, un voyage qui suscite autant d’admiration que de polémiques. ©D.R.
Ces images ont immédiatement attiré l’attention sur Twitter puis des médias nationaux. Le Parisien lui a consacré un long portrait, suivi par Valeurs Actuelles, Midi Libre et même BFM sur TikTok qui a fait plus de 200 000 vues en 48 heures.
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Le simple fait de voyager en Afghanistan sous contrôle taliban, régime considéré comme terroriste en Occident et les Nations Unis, demeure extrêmement sensible.
La France a perdu 90 soldats en opération dans le pays entre 2001 et 2014. Dans ce contexte, les images d’un Français accueilli en frère par des talibans, qui ont pris le pouvoir en 2021, passent mal.
Il répond :
C’est dans une situation compliquée que je me retrouve actuellement parce que c’est un pays considéré comme ennemi par les États-Unis et l’Europe et même par la France car des soldats français sont tombés au combat. À la fois, j’ai une pensée pour eux, à la fois moi je veux montrer la réalité, c’est une position complexe, choisir les bons mots trouver les bonnes phrases ce n’est vraiment pas simple.
Entre fascination et indignation
Sur les réseaux sociaux, les réactions s’entrechoquent. Certains dénoncent une « recherche du buzz à tout prix ».
D’autres louent « l’authenticité » de son regard.
Sous une vidéo reprise par BFM, un internaute écrit : « Tibi Jones déconstruit tous les clichés diabolisant créés par les Occidentaux ». D’autres, au contraire, se disent « choqués de voir un Français donner une tribune aux talibans ».
Sa communauté, elle, reste fidèle. Beaucoup rappellent qu’il voyage depuis longtemps dans des zones à risque : « Ce mec a une énorme paire, gros respect. »
Un emballement médiatique ?
Dans ses vidéos, Tibi Jones nuance : il distingue les talibans de l’État islamique, rappelle que les Afghans « défendent leur pays » et insiste sur les écarts entre le récit médiatique occidental et ce qu’il observe sur place. Il montre et raconte à travers ses vidéos, la condition des femmes de manière nuancée : « J’avais lu que les femmes ne pouvaient pas travailler dans la médecine en Afghanistan mais juste à côté de moi il y a une femme médecin. Ce que je retiens surtout c’est que, ici, il n’y a aucune mixité à partir de la puberté. Les femmes soignent les femmes et les hommes soignent les hommes. Elles peuvent se balader dans la rue et elles sont seules. Je ne dis pas que tout est parfait, mais ce qu’on entend en France n’est pas toujours la réalité », affirme-t-il.
Pour ses défenseurs, il « donne une voix aux Afghans qui galèrent ». Pour ses détracteurs, il banalise un régime qui opprime et réprime.
Joint cette semaine par téléphone, Tibi Jones n’a pas souhaité s’étendre sur nos questions mais il promet de clarifier sa démarche dans de prochains documentaires sur YouTube, « posés, structurés, avec du contexte ». En attendant, ce sont surtout ses stories brutes qui circulent, alimentant polémiques et fantasmes.
Derrière le bruit, reste un jeune vidéaste manchois, sans doute dépassé par l’ampleur du retentissement. Parti filmer l’Afghanistan, il se retrouve pris dans la machine médiatique. Reste la question judiciaire. Car apparaître armé, ou en proximité avec une organisation considérée comme terroriste, peut relever de l’apologie du terrorisme.
Tibi Jones en est conscient : « La DGSI risque de m’interroger à mon retour. »
Léa CORBET
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