Depuis des
décennies, les astronomes scrutent l’espace à la recherche de
preuves tangibles de la naissance des mondes. Ils observaient des
indices troublants dans les disques de poussière cosmique, mais la
pièce manquante du puzzle leur échappait obstinément. Aujourd’hui,
cette quête prend fin avec une observation révolutionnaire qui
confirme enfin leurs théories les plus audacieuses.

Le mystère
des anneaux fantômes

Dans le cosmos, la naissance des
planètes demeure l’un des spectacles les plus fascinants et
pourtant les plus difficiles à saisir. Autour des jeunes étoiles,
des disques tourbillonnants de gaz et de poussière s’étendent sur
des milliards de kilomètres. Ces structures, appelées disques
protoplanétaires, constituent les berceaux où naissent les futurs
mondes.

Grâce à des observatoires
sophistiqués comme ALMA, les scientifiques ont identifié des motifs
intrigants dans ces disques : des sillons sombres, des anneaux
vides qui semblent sculptés par une force invisible. La théorie
suggérait que des planètes embryonnaires creusaient ces tranchées
en aspirant la matière environnante lors de leur croissance. Mais
cette explication restait purement spéculative.

« Des dizaines
d’articles théoriques ont été écrits sur le fait que ces trous
observés sont causés par des protoplanètes, mais personne n’en a
jamais trouvé de définitif jusqu’à aujourd’hui« ,
explique Laird Close, professeur d’astronomie à l’Université
d’Arizona et co-auteur de cette découverte historique.

WISPIT 2b
: la première preuve tangible

Le système stellaire
WISPIT 2 vient de changer la donne. Située dans un groupe d’étoiles
jeunes relativement proche de nous, cette étoile ressemble à une
version infantile de notre Soleil. Son disque protoplanétaire
présente les fameux anneaux sombres qui intriguent tant les
chercheurs.

Mais cette fois, les
observations en lumière infrarouge et optique ont révélé
l’impensable : une planète massive nichée précisément dans l’un de
ces sillons. WISPIT 2b, comme l’ont baptisée les découvreurs,
constitue un géant gazeux colossal pesant cinq fois la masse de
Jupiter. Sa trajectoire orbitale l’emmène à une distance
vertigineuse de son étoile, soit 56 fois la distance qui sépare la
Terre du Soleil.

Cette découverte résout
instantanément un débat qui divisait la communauté astronomique
depuis des années. Les sceptiques remettaient en question la
capacité des protoplanètes à façonner ces structures distinctives.
Désormais, la preuve est sous leurs yeux.

 système WISPIT 2 planète
Le système WISPIT 2 vu par le télescope Magellan au Chili et le
Grand Télescope Binoculaire en Arizona. La protoplanète WISPIT 2b
apparaît comme un point violet dans un espace libre de poussière
entre un anneau de poussière blanc brillant autour de l’étoile et
un anneau extérieur plus faible, orbitant à environ 56 fois la
distance moyenne Terre-Soleil. L’autre planète potentielle, CC1,
apparaît comme l’objet rouge à l’intérieur de la cavité libre de
poussière et est estimée à environ 15 distances Terre-Soleil de son
étoile hôte. Crédit
Laird Close, Université de l’ArizonaUn système
en pleine ébullition

L’histoire ne s’arrête pas
là. Les chercheurs ont également identifié une seconde planète
candidate, provisoirement nommée CC1. Cette dernière surpasse
encore WISPIT 2b en terme de masse avec ses neuf masses joviennes,
tout en évoluant sur une orbite plus serrée, à environ 15 fois la
distance Terre-Soleil.

Cette configuration
rappelle étrangement notre propre système solaire, avec ses géantes
gazeuses réparties dans les régions externes. CC1 occuperait une
position comparable à celle comprise entre Saturne et Uranus dans
notre voisinage cosmique.

Une
machine à remonter le temps cosmique

« Obtenir une
image de ces planètes en formation s’est avéré extrêmement
difficile, et cela nous offre une réelle opportunité de comprendre
pourquoi les milliers de systèmes exoplanétaires plus anciens qui
existent sont si diversifiés« , souligne Christian Ginski
de l’Université de Galway.

Le système WISPIT 2
représente effectivement une fenêtre temporelle exceptionnelle.
Observer ces mondes naissants équivaut à contempler notre propre
système solaire tel qu’il était il y a 4,6 milliards d’années.
Cette perspective unique pourrait éclairer les mécanismes qui ont
façonné la diversité étonnante des architectures planétaires
découvertes dans notre galaxie.

L’exploit
technologique derrière la découverte

Cette prouesse
observationnelle n’aurait pas été possible sans des instruments
d’une précision inouïe. Le système d’optique adaptative extrême
MagAO-X du télescope Magellan au Chili, associé au grand télescope
binoculaire d’Arizona et au très grand télescope de l’Observatoire
européen austral, ont permis de percer les secrets de ce système
lointain.

« Découvrir cette
planète a été une expérience extraordinaire« , confie
Richelle van Capelleveen de l’Université de Leyde. Cette découverte
fortuite dans un groupe d’étoiles peu étudié promet d’établir
WISPIT 2 comme système de référence pour les futures recherches sur
la formation planétaire.

Les résultats de cette
étude révolutionnaire sont publiés dans The Astrophysical Journal
Letters
, marquant une nouvelle ère dans notre compréhension de
la genèse des mondes.