Incarcéré depuis juin 2024, Claude M. s’était blessé à la main « en se défendant » lors d’une rixe avec d’autres détenus. Inquiet de voir sa main s’infecter, il s’en est pris à des surveillants et une infirmière.
/ Photo Illustration David Rossi
Les avocats le savent : dans un procès, un prévenu a toujours la parole en dernier. Mais ces quelques mots suffisent parfois à torpiller une défense entière. Ceux de Claude M., ce mercredi 16 avril, ont eu cet effet-là. « Si c’était à refaire, je le referais, mais en mieux et pas dangereux. Je le referais, je vous le dis, car c’est la santé », a-t-il lâché, bravache, au président du tribunal judiciaire de Marseille Olivier Leurent en personne qui présidait – exceptionnellement – l’audience. Claude M. venait de comparaître pour des menaces de morts proférées les 12 et 13 décembre 2024 à l’encontre de trois surveillants pénitentiaires et d’une cadre infirmière de la prison des Baumettes où il était détenu depuis juin 2024. Il a été condamné dans la foulée à 18 mois de prison ferme.
Au tribunal, il a apporté une explication plausible mais rocambolesque à son comportement. « J’ai eu une fracture à la main, je venais d’être opéré, je devais avoir un suivi constant et depuis trois jours, je réclamais des soins. J’ai été négligé. Pour que je sois pris en compte médicalement, j’ai forcé le passage pour être mis au quartier disciplinaire, où tous les deux jours, un médecin ou un infirmier passent. Je me suis dit que c’était le meilleur moyen de ne pas perdre ma main qui était infectée », a détaillé Claude M., présentant ses excuses aux surveillants pénitentiaires mais assumant avoir « mis en scène » l’altercation du 12 décembre 2024 à la sortie de sa cellule avec les agents. Il a en revanche nié la possession d’un couteau artisanal tombé de sa veste pendant son transfert en quartier disciplinaire.
Une intervention nécessaire pour endiguer l’infection
Interrogé sur les menaces à l’adresse de l’infirmière le lendemain, il a ensuite évoqué un coup de sang lié au fait qu’elle n’aurait pas pris au sérieux sa blessure à la main. De fait, cette dernière était bel et bien infectée ; dans les jours suivant, le détenu avait subi une petite intervention pour débrider les tissus infectés où les médecins suspectaient un staphylocoque de proliférer.
Reste que mise en scène ou non, ses menaces de mort inquiétantes (« Je vais vous charcler, vous allez voir dehors de quoi je suis capable, je vais vous tirer dehors », « Vous, Madame la cadre, je vais vous fumer, je ne suis pas un petit joueur comme les autres, je ne mitraille pas, je cible »), amplifiées par le profil dangereux d’un homme au casier chargé, détenu préventivement dans le cadre d’une enquête pour meurtre, avaient durablement perturbé les agents et l’infirmière.
Un personnel pénitentiaire sous tension maximale
« Il souffle un vent très défavorable sur l’administration pénitentiaire ces derniers temps », a ainsi relevé Me Béatrice Zavarro, avocate de l’un d’entre eux. Décrivant des surveillants se levant le matin « avec la boule au ventre », et rappelant que la pression était montée d’un cran ces derniers jours avec la dégradation de véhicules et les attaques coordonnées de prisons aux quatre coins de la France.
« Les menaces de mort, c’est le mode opératoire de Claude M. pour communiquer et obtenir ce qu’il veut », a résumé la procureure Marion Chabot, qui a requis à son encontre deux ans de prison ferme. « Il vous l’a dit : il a paniqué. […] Il a dépassé les bornes, c’est incontestable, mais on ne peut ignorer la réalité un peu terrifiante de ce qu’il dit : il l’a fait pour être mieux traité sur le plan sanitaire », a bataillé Me Juliette Oberti en défense. Malgré ses efforts, son client a repris la route de la prison des Baumettes, son casier et son parcours judiciaire plus chargés de 18 mois derrière les barreaux.