ALEX WONG / Getty Images via AFP
Robert Kennedy Jr, le ministre de la Santé de Donald Trump, a licencié la responsable de la principale agence de santé publique américaine car elle refusait de retirer l’autorisation des vaccins contre le Covid-19. (Photo d’illustration)
ÉTATS-UNIS – On l’avait presque oublié, avec cette administration américaine remplie de profils tous plus controversés les uns que les autres. Mais le vaccinosceptique Robert Kennedy Jr (RFK) est revenu au cœur de l’actualité, et pas pour les bonnes raisons. Le ministre de la Santé de Donald Trump est au centre d’une bataille inédite avec la principale agence de santé publique des États-Unis, le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), après avoir limogé mercredi 27 août sa directrice, Susan Monarez.
Cette scientifique éminente et respectée était pourtant arrivée il y a seulement un mois. Et si elle n’était pas le premier choix de Donald Trump, son CV paraissait tout à fait cohérent pour une agence dont les responsabilités sont immenses, que ce soit dans la recherche, la prévention et la coordination des politiques sanitaires.
Mais pas aux yeux de RFK Jr, dont la défiance envers la science et tout particulièrement les vaccins vire fréquemment avec le complotisme le plus assumé – comme lorsqu’il avait qualifié le vaccin contre le Covid de « poison », ou qu’il affirmait que « l’autisme provenait des vaccins ».
« Instrumentaliser la santé publique à des fins politiques »
Pour comprendre l’ampleur de ce qui se déroule, il faut revenir à ce mercredi 27 août au soir. Le Washington Post annonce le départ de Susan Monarez de la CDC. Dans un communiqué, Robert Kennedy Jr la « remercie pour son service dévoué », sans qu’aucune raison officielle ne soit donnée.
C’est dès le lendemain, le jeudi 28 août, que l’affaire prend une ampleur nationale. Susan Monarez conteste fermement son départ par le biais d’une lettre de ses avocats. Ceux-ci expliquent que leur cliente « n’a ni démissionné, ni reçu de notification de la Maison Blanche indiquant qu’elle avait été licenciée ». Indiquant qu’« en tant que personne intègre et dévouée à la science, elle ne démissionnera pas », son conseil en profite pour tacler RFK Jr, l’accusant « d’instrumentaliser la santé publique à des fins politiques » et de « mettre en danger la vie de millions d’Américains ».
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La raison de cette attaque frontale est finalement divulguée par la presse américaine. Le Washington Post révèle que Susan Monarez subissait depuis plusieurs jours d’importantes pressions pour valider le retrait d’autorisations des vaccins notamment ceux contre le Covid-19. En outre, il lui était demandé de licencier une partie de son équipe dirigeante, pas au goût du ministre. Face à son refus, la porte lui aurait été montrée.
La scientifique tente alors de contre-attaquer, ou du moins de retarder l’inévitable. Ses avocats affirment que parce qu’elle a été nommée par Donald Trump directement, seul ce dernier peut mettre fin à ses responsabilités, et non Robert Kennedy Jr. Mais ce serait croire que le président américain ne soutient pas le projet de son ministre de la Santé. « Susan Monarez n’est pas en accord avec le programme du président », a affirmé jeudi 28 août la Maison Blanche dans un communiqué. « Susan Monarez ayant refusé de démissionner malgré avoir informé le ministère de la Santé de son intention de le faire, la Maison Blanche a renvoyé Mme Monarez de son poste. »
La démission d’autres hauts responsables
Le limogeage de Susan Monarez a agi comme un détonateur chez plusieurs autres hauts responsables des autorités sanitaires. Dans la foulée, trois d’entre eux ont annoncé leur démission avec fracas, témoignant de leur impossibilité de faire leur travail face aux pressions : Debra Houry, médecin en chef du CDC, Dan Jernigan, directeur du centre national des maladies émergentes, et Demetre Daskalakis, directeur du Centre national d’immunisation et des maladies respiratoires au CDC.
Ce dernier a eu les mots les plus durs envers Robert Kennedy Jr. Dans sa lettre ouverte de démission publiée sur X, il affirme que le ministre et ses conseillers génèrent « des politiques et des documents ne reflétant pas la réalité scientifique » et « mettent en danger la vie des plus jeunes Américains et des personnes enceintes ».
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Ce climat délétère est révélateur du combat de RFK Jr pour refaçonner la politique de santé, quitte à s’affranchir complètement du consensus scientifique. Son slogan ? « Make America Healthy Again » – « Rendre la santé à l’Amérique », la reprise à son compte du slogan historique de Donald Trump, « Make America Great Again » –, témoigne de son ambition démesurée.
Le ministère de la Santé américain a par exemple approuvé jeudi la limitation de l’accès aux vaccins Covid aux personnes de plus de 65 ans ou à haut risque, une première étape dans la lutte acharnée qu’il mène à leur encontre. Autre exemple : selon Debra Houry, l’une des trois scientifiques ayant claqué la porte, le nouveau comité consultatif sur les vaccins, entièrement remodelé par RFK Jr, compte modifier les recommandations officielles sur d’autres vaccins dès septembre dont l’hépatite B.
Le choix du directeur par interim du CDC après le départ forcé de Susan Monarez en dit aussi long : la Maison Blanche a annoncé la nomination de Jim O’Neill, bras droit de RFK Jr au ministère de la Santé, un ex-financier de la tech, sans aucune expertise scientifique ni médicale.
« Changer la culture institutionnelle »
Un événement est par ailleurs présent dans tous les esprits à la CDC. Il y a trois semaines à peine, un homme pénétrait dans le siège de l’organisation et ouvrait le feu, tuant un policier. Ses motivations ? Témoigner de sa rage contre le vaccin Covid, sur lequel il rejetait la faute pour ses problèmes de santé.
Plusieurs centaines d’employés de l’agence sanitaire avaient alors blâmé RFK Jr, et sa propagation de fausses informations. Ces mêmes employés qui ont fait une haie d’honneur aux trois dirigeants démissionnaires, avec des panneaux : « La science plutôt que le complot. »
« Il y a beaucoup de problèmes au CDC », s’est contenté de rétorquer Robert Kennedy Jr face à la fronde. « Cela va nécessiter de se séparer de certaines personnes sur le long terme afin que nous puissions changer la culture institutionnelle ». Celle de la croyance dans les faits scientifiques.