L’Assemblée nationale, en plein vote, le 30 juin 2025. (photo d’illustration)

QUENTIN DE GROEVE / Hans Lucas via AFP

L’Assemblée nationale, en plein vote, le 30 juin 2025. (photo d’illustration)

POLITIQUE – Retour dans les cartons. La fin annoncée (sauf surprise majeure) du gouvernement de François Bayrou le 8 septembre à l’issue du vote de confiance mettra à nouveau le chaos dans le calendrier législatif parlementaire. A fortiori si, comme le souhaitent certains, elle est suivie par une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale.

En juin 2024, c’est déjà ce qui s’était passé. Le texte sur la fin de vie, pourtant présenté comme un marqueur du second quinquennat d’Emmanuel Macron, et celui de la réforme de l’audiovisuel public ont vu leur examen reporté par la première dissolution. Deux gouvernements et quatorze mois plus tard, ni l’un ni l’autre n’a abouti. Le premier, revu et corrigé par François Bayrou, devait arriver au Sénat le 7 octobre après avoir été adopté à l’Assemblée. Son ou sa successeur conservera-t-il cet agenda ? Ou au contraire, tentera-t-il d’apporter (lui aussi) sa patte en le modifiant, retardant de fait son adoption définitive ?

Quant à la réforme de l’audiovisuel public, elle ne doit sa survie qu’à la détermination de l’actuelle ministre de la Culture. Rejeté à l’Assemblée puis adopté au Sénat, le texte devait revenir devant les députés à l’automne en deuxième lecture. Mais une chute du gouvernement Bayrou et une nouvelle équipe ministérielle dont Rachida Dati serait exclue pourrait bien sonner le glas d’un texte conspué autant par le secteur que par une chambre du Parlement. Enfin, l’avenir de la loi dite Gremillet sur l’avenir énergétique de la France est lui aussi en suspens. Rejeté en première lecture à l’Assemblée et adopté au Sénat début juillet, le texte, très attendu par les énergéticiens, devait faire son retour au Palais Bourbon fin septembre.

De la Corse à la Nouvelle-Calédonie, vents d’incertitude

À côté de ces chantiers déjà lancés, s’en trouve un autre, lui contraint par un agenda électoral : la Nouvelle-Calédonie. L’accord de Bougival prévoit le report des élections provinciales, censées se tenir d’ici le 30 novembre 2025, à juin 2026. Problème : pour être effectif, ce report doit impérativement être voté sous la forme d’une loi organique avant l’expiration du délai. Le texte était prévu au Sénat le 24 septembre, selon sa rapportrice la sénatrice LR Agnès Canayer. Laquelle ne cache pas son inquiétude : « il y a urgence à l’adopter, car sinon des élections seront organisées en Nouvelle-Calédonie en novembre, sans consensus sur le corps électoral, et l’accord de Bougival en sera grandement fragilisé », insiste-t-elle auprès de Public Sénat. Ce, alors qu’au printemps 2024, c’est la composition du corps électoral de ce même scrutin qui avait attisé la colère sur l’archipel.

Autre île, mêmes inquiétudes. Le projet de loi constitutionnelle pour l’autonomie de la Corse qui devait être discuté au Sénat à l’automne serait mis en péril la chute du gouvernement Bayrou. Sur le plan calendaire, mais aussi sur le fond. Car si François Bayrou avait choisi de donner le point aux autonomistes et était passé outre certaines recommandations du Conseil d’État, son ou sa successeur(e) pourrait en décider autrement, au risque de (re)bloquer les discussions avec les représentants corses. De quoi créer un dilemme pour les députés de l’île de Beauté non-membres du socle commun. « On est un peu contraints » par ce calendrier « et pour moi il n’est pas pensable non plus de voter contre la confiance à ce gouvernement », résume ainsi auprès de France 3 Corse le député LIOT Paul-André Colombani, partagé entre ses divergences avec François Bayrou et son souhait de voir aboutir le processus d’autonomie.

La proportionnelle enterrée ?

Au moins trois autres dossiers, pourtant présentés au cœur de l’été en Conseil des ministres, sont aussi sur la sellette : le projet de loi sur la régulation de l’enseignement supérieur privé, celui sur la restitution des biens culturels, ainsi que celui sur la vie chère dans les Outre-mer. S’y ajoutent le projet de réforme du système judiciaire voulu par Gérald Darmanin et que le ministre entendait présenter à l’automne en Conseil des ministres, celui sur la fraude sociale portée par sa collègue Catherine Vautrin, un autre sur la protection de l’enfance…

Enfin, dernier dans les tuyaux mais pas des moindres : le chantier de la proportionnelle, auquel François Bayrou avait promis de s’atteler dès son arrivée à Matignon. En avril, le Premier ministre avait lancé des consultations avec les partis, autant par conviction personnelle que dans l’espoir de faire un peu consensus dans une Assemblée où au moins deux forces d’oppositions (LFI et le RN) y sont favorables. En juin, il fixait un calendrier : fin d’année ou début 2026 au plus tard. « Je présenterai ce texte après que nous aurons eu le travail budgétaire », prévoyait-il dans Le Grand Jury. Gouverner c’est prévoir, mais prévoir n’est pas pouvoir.