Par
Lucie Fraisse
Publié le
30 août 2025 à 9h10
Ce mercredi 27 août 2025, Camilo Castro a fêté ses 41 ans. Pour l’occasion, les proches de cet homme originaire de Toulouse où sa famille réside toujours, lui ont fait une vidéo, pour présenter leurs souhaits d’anniversaire au jeune homme. Une vidéo que Camilo ne pourra pas voir : depuis deux mois, il est enfermé sans raison dans une prison du Venezuela.
Il passe la frontière pour son visa
Tout commence le 26 juin dernier. Camilo Castro, qui réside en Colombie depuis plusieurs années, veut obtenir un renouvellement de son visa. Il doit en effet retourner en France et souhaite régulariser sa situation avant de rejoindre l’aéroport de Bogota.
« Il nous a laissé un message vocal pour nous dire qu’il se rendait à la frontière, raconte Yves Gilbert, son beau-père, compagnon de la mère de Camilo. Mais le bureau de la migration a refusé de lui accorder son visa et l’a enjoint à aller au Venezuela pour enregistrer son entrée dans le pays. Dans son message, il nous a dit « je n’ai pas envie, mais il faut que j’y aille ». »
Ses amis colombiens se mobilisent
Ce sont les dernières nouvelles directes qu’aura la famille de Camilo. Un de ses amis reçoit, quelques heures plus tard, un message texte dans lequel le Toulousain d’origine indique qu’il pense qu’il va être renvoyé en Colombie. Puis plus rien.
« Ses amis colombiens ont réagi immédiatement en collant des affiches partout, parce qu’ils savaient que l’endroit où s’était rendu Camilo était dangereux. Très vite, tout le monde a eu de forts soupçons sur le fait que sa disparition était liée à la police du Venezuela. »
Un soupçon confirmé « en off » par un membre de la police colombienne qui affirme que Camilo est dans une prison de Venezuela.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
S’incrire
Un échange de prisonniers
« Il y avait une possibilité, faible, mais existante, qu’il ait disparu quelque part en Colombie, qu’il y ait eu un accident, un truc qui se soit mal passé…, explique Yves Gilbert. On l’a cherché jusqu’au 18 juillet, jour où il y a eu un échange de prisonniers entre le Venezuela et les Etats-Unis. »
Cet échange de prisonniers a permis le retour au pays de 252 Vénézuéliens qui avaient été expulsés en mars par l’administration Trump. En échange, dix prisonniers de nationalité américaine et une cinquantaine de prisonniers politiques vénézuéliens ont été libérés.
Enfermé dans l’une des plus grosses prisons du pays
« On a été en contact avec des prisonniers libérés, confie Yves Gilbert. Ils ont formellement reconnu Camilo qui était dans la même prison qu’eux. C’est l’une des plus grosses du pays, dans laquelle Nicolàs Maduro enferme des centaines d’opposants politiques depuis les élections de l’an passé. »
L’élection du président vénézuélien, en juillet 2024, avait été contestée pour son manque de transparence et les résultats remis en question (le décompte officiel des voix n’a d’ailleurs toujours pas été publié). Depuis, les autorités du pays exercent une politique très répressive, avec notamment des arrestations arbitraires.
Camilo, « otage d’État »
« Dans cette prison, ils ont visiblement créé un secteur séparé où sont réunis tous les étrangers qui sont dans la même situation que Camilo et qui sont en fait des otages d’État« , souffle Yves Gilbert.
Car comme Camilo, ces prisonniers sont détenus sans aucune raison.
Camilo est en prison sans absolument aucun motif. Il est complètement à l’isolement, il n’a pas la possibilité d’avoir une visite consulaire, il n’a pas d’avocat, il n’y a aucune raison officielle à son incarcération, il n’a été condamné à rien, il n’y a pas eu de procès. Quand ont est arrêté sans motif ou avec des motifs complètement fallacieux, uniquement pour servir de monnaie d’échange, on est un otage d’État. C’est le cas de Camilo.
Yves Gilbert
À deux par cellule
À ce stade, les proches de Camilo n’ont toujours aucune possibilité de contacts avec lui. Grâce aux témoignages des détenus libérés en juillet, dont la véracité a été confirmée par les autorités américaines, ils ont quand même pu en savoir un peu sur ses conditions de détention.
« Ils sont par deux dans des cellules de trois mètres sur deux, avec des lits superposés et un tuyau pour la douche, énumère le beau-père de Camilo. Ils ont droit à deux repas par jour, un galon d’eau, une heure de promenade quotidienne et un médecin les suit. Je pense qu’on peut dire qu’ils ne sont pas soumis à de mauvais traitements physiques. »
Professeur de Yoga
Selon les témoignages recueillis par sa famille, Camilo semblait aller bien. Professeur de yoga, il pratique sa discipline et la méditation en détention. Il semble très apprécié de ses codétenus.
« Un de ses codétenus libérés avec qui on a parlé nous a dit qu’il allait bien, qu’il avait une vraie force et un mental. Mais c’était il y a un mois… »
Ses proches multiplient les actions
Depuis le début de l’affaire, la famille de Camilo est en contact avec le Quai d’Orsay, avec Amnesty international, la fondation Foro penal au Venezuela ou encore le bureau de Caracas du Haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, le CICR, l’association SOS Otages…
« On a fait beaucoup de choses, on a déposé une plainte en France, on va en déposer une auprès de la commission interaméricaine des droits de l’Homme…, énumère le beau-père de Camilo Castro. On enclenche le plus possible de procédures.«
Les proches de Camilo se sont aussi résolus à médiatiser l’affaire. « Les gens qui ont pu sortir de la prison nous ont dit « il faut absolument contacter les médias : un État prend des personnes étrangères en otage et personne n’en parle ! » Et puis les gens doivent savoir qu’il ne faut absolument pas mettre les pieds au Venezuela ! C’est trop dangereux ! »
Bientôt des mobilisations à Toulouse
Sa famille compte également solliciter les élus locaux à Toulouse, et sans doute organiser des mobilisations dans la ville qui a vu Camilo Castro grandir, là où il a étudié au lycée Saint-Sernin et à la faculté du Mirail. Des actions concrètes qui permettent aussi à ses proches de tenir le coup face à l’absence de nouvelles.
« Parce que c’est sûr que c’est compliqué, soupire Yves Gilbert. Depuis le jour où Camilo a disparu, on a complètement changé de monde, on y pense tout le temps. On est sans avenir : vu qu’il n’y a pas d’échéance, on vit au jour le jour. »
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.