Par

Inès Cussac

Publié le

30 août 2025 à 7h32

À Paris, les allées des cimetières convoquent la mémoire et le recueillement des familles mais titillent aussi parfois la curiosité des visiteurs. Comme au Père-Lachaise, véritable Panthéon à ciel ouvert. Le cimetière du 20e arrondissement ne détient cependant pas le monopole patrimonial. Si dix monuments funéraires y sont classés Monuments historiques, il y en a presque autant au cimetière du Montparnasse, dans le 14e.
Depuis le jeudi 21 août 2025, sept sépultures et un cénotaphe y sont désormais protégés par ce titre, selon un arrêté du ministère de la Culture. « Rendre ses lettres de noblesse à ce cimetière historique », était l’objectif présenté par les équipes du service de la Conservation régionale des Monuments historiques (CRMH) de la DRAC Île-de-France qui ont mené cette campagne de protection.

Les tombeaux de la famille de Montault, de la famille Dumont d’Urville, de Jacques Lefranc, d’Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy, de la famille Constant-Dufeux et de la famille Schelfhaut ainsi que le cénotaphe de Charles Baudelaire figurent désormais dans la liste des monuments funéraires classés au titre de Monuments historiques.

La Ville de Paris, nouvelle propriétaire

Parmi les 42 000 tombes du cimetière du Montparnasse, une seule était protégée depuis 2010. Et pour cause, au-dessus du tombeau de la défunte, Tania Rachevskaïa morte en 1910, l’une des premières sculptures de Constantin Brancusi, Le Baiser, avait été installée. Cent ans après le décès de cette jeune Russe anonyme, son classement au patrimoine avait été confirmé par le Conseil d’État afin d’empêcher ses descendants de démanteler l’œuvre pour la vendre.

Le moulin de la Charité, construit au XVIIe siècle, est également classé depuis 1931.

Pour aboutir au classement de sept nouveaux monuments funéraires avec des démarches simplifiées, la Ville de Paris est devenue propriétaire des tombeaux en question. « La protection des monuments funéraires se heurte habituellement à une double difficulté : la diversité et l’ampleur du corpus d’une part, et la complexité liée au statut privé des concessions d’autre part », souligne la DRAC Île-de-France. « Les propriétaires étant souvent nombreux ou introuvables, cela rend l’accord préalable difficile à obtenir. »

Architecture, personnalités commémorées…

Ces sept monuments funéraires n’ont pas été désignés au hasard par le CRMH et la Drac Île-de-France. La qualité architecturale et l’ancienneté, l’importance des personnalités commémorées, la notoriété des artistes impliqués, le retentissement critique ou encore l’apport à l’histoire de la sculpture permettent de désigner tel ou tel monument pour le classer.

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Ainsi, la chapelle funéraire de la famille de Montault a été retenue puisqu’elle est « l’un des premiers exemples de chapelles funéraires néo-gothiques des cimetières parisiens », précise la Drac, qui la qualifie d’« unicum » justifiant une mesure de protection.

Le tombeau de la famille Dumont d’Urville, érigé en mémoire du célèbre navigateur, se démarque lui aussi pour son caractère exceptionnel. « La figuration des principaux voyages de Dumont d’Urville autour du monument en fait une ‘tombe parlante’ […]. Le mode de représentation, avec des scènes qui se lisent en tournant autour du monument, rappelle certains grands modèles antiques, et évoque également les panoramas et dioramas très en vogue au début du 19e siècle […]. Le tombeau ne fit pas école, ne constitua pas un modèle : il s’agit à tout point de vue d’un tombeau exceptionnel édifié pour honorer la mémoire d’une personnalité hors du commun », précise la DRAC.

Le tombeau du chirurgien Jacques Lisfranc est aussi un « exemple précoce » de monument funéraire avec la mise en scène du défunt dans ses activités professionnelles. « L’originalité de ce tombeau pour son époque, alliée à la qualité de ses matériaux (bronze et marbre) et de son exécution font de lui un monument funéraire remarquable. Enfin, le fait que la grille qui l’entoure, constituée de tibias et de crânes, ait été conservée mérite d’être signalé, tant les éléments de ferronnerie ancienne ont souvent disparu de nombreuses sépultures », note la DRAC.

Le tombeau de Jacques Lisfranc.
Le tombeau de Jacques Lisfranc. (©IC / actu Paris)

Par ailleurs, la tombe d’Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy, l’une des plus anciennes du cimetière, « est repérée depuis plus d’un siècle comme étant l’une des sépultures à entretenir ». En plus de saluer « la qualité artistique » du tombeau, une telle protection honore « la mémoire de l’un des premiers défenseurs du patrimoine, qui souhaitait en son temps que les cimetières, qui venaient d’apparaître dans leur forme moderne, deviennent des musées d’art et d’histoire ».

Enfin, les tombeaux de la famille Constant-Dufeux et de la famille Schelfhaut ainsi que le cénotaphe de Charles Baudelaire figure dans la liste des Monuments historique en partie grâce à l’œuvre artistique de leur sépulture. Celle de l’auteur des Fleurs du mal, est par exemple mise en avant pour « la qualité d’œuvre singulière du sculpteur ».

Dans le viseur de la Drac prochainement, les tombeaux conçus par Hector Guimard en Île-de-France. L’architecte et décorateur phare de l’Art nouveau, à qui l’on doit de nombreux monuments dans Paris, notamment les fameuses entrées du métro, est aussi le père d’une dizaine de sépultures sans doute bientôt mises sous protection.

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