Quand on évoque une maladie grave comme le
cancer, certains organes reviennent immédiatement à
l’esprit. Mais d’autres, moins connus du grand public, pourraient
jouer un rôle tout aussi déterminant dans l’évolution de la
pathologie.
Une enquête relayée par Sud Info
montre qu’un acteur invisible, longtemps négligé par la recherche,
fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière de la part
des spécialistes. Et pour cause : il pourrait être l’un des
maillons faibles de la lutte contre la progression de certains
cancers, avec des conséquences redoutées.
Le péritoine, un organe clé souvent oublié dans le cancer
colorectal
« Cette partie du corps peut devenir une complice du cancer
», avertit le médecin-chercheur Jesse Demuytere, de
l’Université de Gand. Avec le spécialiste Luc Colemont, il alerte
sur l’importance de mieux comprendre le rôle du péritoine dans
le cancer colorectal. Chez un
patient sur dix, les métastases issues de cette maladie se
logent dans cet organe discret, mais essentiel. Pourtant,
le grand public associe davantage le terme « péritoine » à
la péritonite.
« On ne l’associe pas spontanément au cancer »,
explique Demuytere à nos confrères de Het Laatste Nieuws.
Pourtant, son rôle est majeur. Cette fine membrane, semblable à une
pellicule plastique, tapisse l’abdomen et maintient les organes en
place. Pendant longtemps, son implication dans le
développement de métastases était sous-estimée. « Il y
a une vingtaine d’années, on n’y prêtait pas beaucoup d’attention.
On pensait que le cancer du péritoine était essentiellement lié à
l’amiante et donc relativement rare. Les métastases issues d’autres
cancers, comme le cancer colorectal, étaient peu connues »,
poursuit le chercheur.
©
Shutterstock
De
nombreux facteurs peuvent favoriser l’apparition d’un cancer.
Un diagnostic difficile face à un cancer invisible
Désormais, les chercheurs savent que le péritoine est plus
fréquemment touché qu’on ne le croyait, notamment lorsque
la tumeur est volumineuse. Le problème, c’est que ces
métastases sont parfois invisibles aux examens classiques. «
Parfois, elles se dissimulent dans les plis de l’abdomen. Il m’est
arrivé à plusieurs reprises de penser qu’un patient présentait peu
de métastases, pour finalement les découvrir lors de l’opération
», raconte Luc Colemont.
Un tel constat change radicalement le
pronostic. Dans ces situations, le cancer est considéré
comme étant au stade 4, un cap redouté par les malades et
les médecins. « C’est très dur à annoncer, car dans ce cas, on
parle d’un cancer au stade 4. Et le traitement devient alors une
tout autre histoire », insiste le spécialiste. Cette
difficulté de détection montre à quel point une surveillance
importante du péritoine pourrait améliorer la prise en charge des
patients.
© Shutterstock
Lorsque
les métastases sont découvertes, il s’agit alors d’un cancer de
stade 4.
Des traitements lourds, mais porteurs
d’espoir face au cancer
Mais aujourd’hui, des solutions existent. « Tout dépend de
l’origine du cancer et de son stade », explique Jesse
Demuytere. Parmi les techniques développées figure l’administration
d’une chimiothérapie sous forme d’aérosol directement dans
l’abdomen, grâce à la laparoscopie. Cette approche cible
de manière plus efficace les zones atteintes. Une autre méthode
consiste à retirer les nodules visibles puis à rincer la cavité
abdominale avec une chimiothérapie chauffée,
afin de réduire les risques de récidive. « Ces techniques ne
garantissent pas une guérison, mais elles peuvent être très
efficaces », souligne Luc Colemont. « Je connais des personnes
opérées il y a plusieurs années qui sont encore en vie aujourd’hui.
»
Ces traitements lourds montrent les progrès réalisés. Mais, ils
rappellent aussi combien la lutte contre le cancer reste complexe.
Pour les chercheurs, la priorité est désormais d’anticiper et de
détecter plus tôt l’atteinte du péritoine. Car si ce dernier est
surveillé avec plus d’attention, il pourrait cesser d’être
un complice invisible du cancer. Il deviendrait alors un
point d’appui dans la bataille contre la maladie.