1,27 million de décès dans le monde en 2019. L’antibiorésistance est un enjeu de santé publique mondial majeur. Depuis plusieurs années déjà l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour ne citer qu’elle, alerte sur la capacité de plus en plus grande des bactéries à résister à l’action d’un antibiotique.

Une tendance qui pourrait s’accélérer comme le révèle cette étude menée par des chercheurs de l’University of South Australia parue le 25 août dernier dans la revue Nature. Paracétamol ou ibuprofène.

Ils soulagent nos douleurs en cas de fièvre, rhume, mal de ventre… Mais ces antidouleurs largement démocratisés pourraient aggraver cette crise sanitaire mondiale, notamment lorsqu’ils sont couplés à des antibiotiques comme le révèlent les scientifiques.

« Très résistantes »

L’évaluation a consisté en des tests sur la bactérie Escherichia coli (E. coli). Celle-ci a été confrontée à un antidouleur et à la ciprofloxacine, un antibiotique utilisé pour traiter les infections courantes de la peau, de l’intestin ou des voies urinaires.

« Lorsque les bactéries étaient exposées à la ciprofloxacine aux côtés de l’ibuprofène et du paracétamol, elles ont développé plus de mutations génétiques qu’avec l’antibiotique seul, les aidant à croître plus rapidement et à devenir très résistantes », détaille, à l’agence spécialisée EurekAlert !, la professeure et contributrice de l’étude, Henrietta Venter.

En résumé, l’ibuprofène et le paracétamol jouent le rôle de booster des mutations bactériennes, rendant la bactérie E. coli hautement résistante à l’antibiotique. Les chercheurs ont également remarqué que la bactérie développait dans le même temps une résistance, non pas seulement à l’antibiotique administré, mais aussi à d’autres types d’antibiotiques. De quoi accélérer davantage encore le phénomène d’antibiorésistance et rendant de nombreux traitements inefficaces.

Utilisation « abusive »

« Les antibiotiques sont depuis longtemps essentiels dans le traitement des maladies infectieuses, mais leur utilisation excessive et leur utilisation abusive ont entraîné une augmentation mondiale des bactéries résistantes aux antibiotiques », regrette la professeure Henrietta Venter.

« Cette étude nous rappelle que nous devons examiner attentivement les risques liés à l’utilisation de médicaments multiples, en particulier chez les personnes âgées susceptibles de se voir prescrire plusieurs médicaments », prévient-elle. Si le but de cette étude n’est pas d’interdire l’ibuprofène ou le paracétamol, elle tient à alerter sur un mécanisme encore méconnu qui pourrait compliquer davantage encore la lutte contre l’antibiorésistance.

Selon une étude parue en septembre 2024 dans la revue scientifique The Lancet , les infections dues à des bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient ainsi causer la mort de 39 millions de personnes dans le monde d’ici à 2050. « En France, d’ici 2050, on estime que 238 000 personnes mourront des suites de l’antibiorésistance », précise le Ministère de la Santé qui alerte aussi sur « l’usage abusif et trop souvent incorrect des antibiotiques » contribuant « au développement et à la dissémination de bactéries qui sont devenues résistantes ».