Livres et images d’inspiration
d’Oscar Piccolo.
S.M. Comment vous définiriez-vous ?
O.P. Je suis directeur artistique, designer et créateur. Mon travail allie souvent la création d’objets et l’architecture, ce qui fait que j’endosse différents rôles en fonction des projets. Je me suis spécialisé dans le design de luminaires, avant de développer mon studio et d’étendre mon travail à d’autres domaines. Cette vision interdisciplinaire permet aux différentes approches créatives de s’enrichir mutuellement. J’aime créer des espaces chaleureux et des objets qui résonnent au-delà de l’esthétique, puisant davantage dans la mémoire et les émotions.
D’où vous vient ce goût pour la création ?
Ma mère est à la fois peintre et créatrice. Lorsque j’étais enfant, nous avons emménagé dans une maison vide au Ghana, où elle a dessiné les meubles et travaillé avec les artisans locaux pour fabriquer chaque pièce. La voir donner vie à un espace en se fiant à sa propre vision a véritablement façonné ma compréhension du design. Cette liberté de création et d’expérimentation est restée en moi.
Ensemble d’objets qu’Oscar
Piccolo affectionne : petites céramiques, cendriers provenant de Palerme.
Lorsque le designer n’est pas dans son atelier sicilien, il passe son temps dans
son appartement- atelier londonien, où ses différentes activités se mêlent.
Vous êtes originaire de Sicile, êtes installé à Londres et avez beaucoup voyagé et déménagé enfant. Ces différentes migrations ont-elles eu un impact sur votre façon de concevoir les environnements domestiques ?
Bien que nous déménagions d’un pays à l’autre, d’une maison à l’autre, mes parents ont su créer une stabilité pour ma sœur et moi à travers les objets. Nous avons toujours eu la même table, le même canapé et j’avais la même chambre partout où j’allais. Aujourd’hui, je me sens chez moi non pas dans un espace particulier mais grâce aux objets qui m’entourent : un bol en bois, une chaise, un livre, les assiettes d’Istanbul que m’a mère m’a transmises. Les objets sont intimes pour moi, ils portent en eux mes souvenirs, mes expériences, mes inspirations.
Qu’y a-t-il d’italien en vous ?
Je l’avoue, une profonde affection pour les biscotti !
Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien ?
La plupart des choses qui m’inspirent ont des racines profondes dans mon enfance, dont je cultive une certaine nostalgie. L’une des couleurs de mon luminaire phare est, par exemple, un hommage à ma grand-mère Lia, qui m’a offert une montre orange lors d’une de ses visites en Égypte. J’avais 12 ans. Je pense que ma curiosité et mon excitation pour les choses proviennent également de ce jeune Oscar regardant des dessins animés, comme La Famille Pierrafeu ou Pingu. La culture sicilienne et ses objets jouent aussi un rôle central dans mes compositions. Je pense à des petits moments du quotidien : mon père m’apportant une treccina (brioche sucrée), les casseroles séchant dehors sous les fenêtres, les bonbons Carruba (les préférés de mon arrière grand-père) placés çà et là…
Chaise en métal de la galerie londonienne Spazio Leone
Et qui sont vos maîtres à penser ?
Je suis fasciné par Enzo Mari, Luis Barragán, Bruno Murani et Riccardo Dalisi, pour ne citer qu’eux. J’aime la façon dont ils interagissent avec la couleur, la forme, la fonction et l’espace, et je trouve incroyablement intéressante la manière dont ils mêlent le design à l’art.
On vous a découvert avec la Lampada Cappello, qui a connu un succès retentissant. Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’idée de réinventer une pièce de design si commune ?
Selon moi, la lumière est l’une des choses les plus importantes dans une maison. Pour la Lampada Cappello, ce qui m’importait le plus était la qualité sculpturale de cet objet, l’équilibre entre le pied en fer forgé soudé à la main et la légèreté subtile de l’abat-jour plissé. C’est un objet qui vit aussi bien, et peut-être même mieux, éteint qu’allumé.
Vous livrez d’ailleurs cette saison de nouveaux luminaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je travaille en effet sur une lampe de plafond réalisée à partir de papier, métal et câblage. Je l’ai nommée Lampada Sospesa, sospesa, qui signifie « suspendu » ou « flottant » en italien. L’ensemble de la série de luminaires explore la relation entre une lampe et son espace, et leur design a été pensé pour les moments intimes où l’on est assis par terre ou près du sol. Chaque pièce a une fragilité inhérente, et chacune est unique. Des variations peuvent apparaître en fonction de la manière dont le papier se plisse ou en fonction du travail du fil au moment de l’assemblage.
Abat-jour de la Lampada Cappello, lampe qui a révélé le designer.
Vous travaillez majoritairement avec des matériaux bruts : bois, métal, papier pour cette dernière collection de luminaires. D’où vient ce goût pour la matière première ?
Il y a dans ces matériaux une forme de réconfort que je ne trouve pas ailleurs. Bien que j’aie une curiosité naturelle pour la matérialité des choses, il y a aussi une connexion instinctive avec les textures, un sentiment d’ancrage hérité de mon enfance et de mon éducation, entouré de pierre, de terre, de bois, de papier, de briques, à jouer sur le sol en terre cuite. Petit déjà je transformais la matière et voyais les objets au-delà de leur fonction première.
Quels sont vos projets à venir ?
Je travaille sur une série d’ustensiles de cuisine qui, je l’espère, aboutiront à la création d’un mixeur. C’est un défi excitant, j’aime pousser ma pratique dans de nouveaux territoires. En parallèle, Gennaro Leone (fondateur de la galerie de design Spazio Leone, ndlr) et moi travaillons sur un projet d’exposition sur l’artiste et designer Riccardo Dalisi, dont l’œuvre avait notamment inspiré des éléments du restaurant Dalla à Londres (un autre projet réalisé avec Gennaro Leone, ndlr). Nous voulons mettre en valeur l’étendue de son travail et célébrer ses contributions au design contemporain.