Par

Clémence Pays

Publié le

18 avr. 2025 à 14h30

Six mois. Six mois de recherches, d’alertes programmées, d’applications téléchargées et de dossiers envoyés pour espérer décrocher une visite et peut-être devenir l’heureuse locataire d’un appartement à Rennes. Depuis toutes ces semaines, ma recherche n’aboutit pas. Ce n’est pas faute d’être à l’affût de la moindre annonce fraîchement publiée sur les différents sites de référence.

Bien souvent, lorsqu’une annonce répond à mes critères de recherches, une lueur d’espoir naît. En quelques secondes, celle-ci peut être réduite à néant. Après un coup de fil à l’agence ou au propriétaire, les réponses sont souvent les mêmes : « votre salaire n’est pas assez élevé » ; « il faut gagner trois fois le montant du loyer » ; « il y a trop de demandes, on ne fait plus de visites ».

Et lorsque, par chance, une visite est enfin calée, la douche froide se résume souvent à un SMS. « Bonjour, un dossier a été validé. Je suis contraint d’annuler votre visite de demain. Bonne soirée. »

Bref, trouver un appartement à louer dans la capitale bretonne est un long chemin parsemé d’embûches, comme le révèlent les nombreux témoignages que j’ai reçus.

🗳 Élections municipales 2026 : un dossier spécial des rédactions d’actu.fr

Cet article fait partie du deuxième épisode de notre dossier spécial consacré aux défis des maires de France, à l’occasion des élections municipales de mars 2026.

Dans ce dossier, « Crises du logement : Airbnb, hausse des loyers, logements sociaux… La guerre des m2 », les rédactions d’actu.fr explorent les solutions mises en place par les élus municipaux pour lutter contre les multiples crises du logement.

Vidéos : en ce moment sur ActuUn manque de logements disponibles

Pas étonnant au regard de la situation nationale. Selon une étude réalisée par Guy Hoquet Immobilier, transmise à actu Rennes, au 1er trimestre 2025, en France, l’offre sur le marché locatif observe une légère hausse à + 1,6 % en un an, « sans pour autant combler le manque de logements disponibles ».

Cependant, les loyers poursuivent leur hausse sur la même période. L’explication vient du marché des locations meublées, plus favorables aux bailleurs et dont les loyers/m² moyens sont nettement plus élevés, qui sont de plus en plus nombreuses.

Guy Hoquet Immobilier

Toujours selon la même étude, le prix moyen mensuel au m²pour un loyer est de 14,90 euros en France, soit + 4,8 % comparé à la même période en 2024. En Bretagne, il faut compter en moyenne 12,20 euros par m² (+3,8% par rapport à 2024), à Rennes, ce montant s’élève à 17,30 euros (+6,5%).

Des mois d’effort pour rester bredouille

En Ille-et-Vilaine, mon cas est loin d’être isolé. Ce parcours du combattant, c’est aussi celui que mène Jeanne (1) depuis trois mois. La Rennaise vient de terminer une reconversion professionnelle et a signé un CDI en décembre 2024. Une assurance qui n’est pas suffisante. « On me reproche d’être encore en période d’essai », se désole Jeanne.

J’ai 37 ans, j’ai fini ma reconversion, j’ai un salaire, un CDI. J’aspire à un logement décent dans lequel je puisse recevoir ma famille, avoir une vraie cuisine et pas une kitchenette.

Jeanne
Locataire

Bien qu’elle habite déjà dans un appartement de Rennes, sa recherche devient de plus en plus pressante. « Je vis dans moins de 28 m². Mon logement est mal agencé, mal isolé et l’immeuble est vieux et peu sécurisé. Il suffit d’un coup de pied pour ouvrir la porte d’entrée. »

Cette recherche peu fructueuse impacte le moral de Jeanne. « Ça me pèse, d’autant que les beaux jours vont arriver et qu’il y a un mètre d’eau dans la cave où prolifèrent des moustiques. On a été obligé de mettre une bâche sur la trappe de la cave. »

« On n’a rien trouvé »

D’autres ont carrément baissé les bras et interrompu leurs recherches. Comme Marine et son conjoint. Ce couple, parents d’une petite fille, attend son deuxième enfant. Ils ont donc souhaité quitter leur appartement actuel pour avoir une chambre supplémentaire pour leur futur nouveau-né « sans mettre 500 euros de plus par mois ».

Près de six mois après le début de leurs recherches : « On n’a rien trouvé. » « On nous a dit ‘non’ plein de fois, ou alors les loyers sont trop chers, ou il n’y a pas de cuisine aménagée et nous n’avons pas les moyens d’investir pour cela… », détaille Marine.

On travaille tous les deux et on touche 3 600 euros net en cumulé. On s’était fixé 1 200 euros de loyer.

Marine
Locataire

Actuellement dans un logement loi Pinel (2), le couple a voulu saisir une opportunité. « Nos voisins ont déménagé. On a voulu se positionner sur leur appartement lui aussi en loi Pinel, mais on nous a dit qu’on n’avait pas assez de revenus, alors que justement, il y a un plafond à ne pas dépasser… » Une situation à laquelle j’ai également été confrontée à plusieurs reprises.

La raison ? Une GLI – comprenez garantie des loyers impayés – a été souscrite par le propriétaire, ce qui nécessite pour le locataire de toucher un certain revenu minimum.

Particuliers VS agences

Autre frein mis en lumière par les deux Rennaises : les frais d’agences. Pour les éviter, Marine et son conjoint ont d’abord souhaité privilégier les locations de particulier à particulier. « Mais on s’est vite rendu compte qu’il n’y a plus autant d’annonces sur Leboncoin qu’il y a dix ans. »

Je recherche une location avec des particuliers, mais les annonces sont prises d’assaut. Les biens qui restent sur le marché sont les plus vétustes et crasseux. J’aimerais trouver quelque chose de propre.

Jeanne
Locataire

C’est donc par la force des choses que toutes deux se sont tournées vers des agences. Mais la constitution de dossiers n’est pas une mince affaire. « C’est tout juste s’ils nous demandent pas notre ADN », argue Marine.

En moyenne, il faut compter 270 000 € pour acheter une maison ancienne en Loire-Atlantique, et 3 390 €/m2 pour un appartement ancien
Rennes, Saint-Jacques-de-la-Lande, Chantepie, Betton… Dans la métropole rennaise la demande de logement est forte, mais l’offre peine à suivre. (©Cécile ROSSIN)

Et puis il faut trouver des garants. « Mais il y a un moment, passé 30 ans, c’est délicat de demander des cautions à ses parents », estime la Rennaise de 35 ans. Malgré cet effort, et « des centaines de demandes » envoyées, le couple s’est remis en question. « C’est peut-être une exigence de notre part d’avoir une chambre par enfant. On verra quand notre fille [de 6 ans, N.D.L.R.] entrera au collège », conclut Marine.

Des justificatifs de plus en plus nombreux ?

La ribambelle de documents à fournir aux propriétaires n’est toutefois pas une nouveauté. « On ne demande pas plus, pas moins que les documents légaux à fournir qui figurent dans une liste exhaustive imposée par la loi », affirme Franck Maussion, gérant de l’agence Cogir Rennes Centre et vice-président de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) d’Ille-et-Vilaine.

L’agent immobilier constate que les candidats à une location « sont de plus en plus organisés avec des dossiers constitués à l’avance ».

Les conseils d’un agent immobilier

Si parfois l’obtention d’une visite relève de « la chance », admet Franck Maussion, il y a toutefois de bonnes pratiques à mettre en place pour faciliter sa candidature.

Préparer son dossier complet en amont et le numériser. « Si la candidature nécessite une caution, le dossier doit aussi être prêt. » Plus les échanges sont fluides, mieux c’est.
L’agent immobilier conseille également de bien déterminer ses critères essentiels. « Il ne faut pas tourner autour du pot, le mouton à cinq pattes n’existe pas. Il faut se concentrer sur ses critères importants. »

Durant l’été, période très chargée pour les agents, il est possible de se déplacer directement en agence pour être placé sur liste d’attente.

Enfin, lors de la visite, ne pas oublier le facteur politesse et amabilité.

Face au désarroi des locataires, Franck Maussion fait tout de même part d’une bonne nouvelle. Si le marché de la location est tendu à Rennes, depuis mars, « la période est moins active. On fait un peu plus de visites, ça s’est un peu détendu ».

Reste tout de même à trouver un loyer en adéquation avec son porte-monnaie.

Rennes a beaucoup construit. Le parc immobilier s’est amélioré. Les immeubles anciens ont donc dû se mettre au niveau par rapport aux plus récents. Et plus il y a d’options, plus c’est cher. C’est comme une voiture.

Franck Maussion
Gérant de l’agence Cogir Rennes Centre et vice-président de la FNAIM 35

Plus facile en périphérie ?

Quand on partage son expérience avec ses proches, ces derniers ont parfois tendance à nous trouver « trop exigeant ». La situation serait plus simple dans les communes autour de Rennes. Pourtant, l’herbe n’est pas plus verte chez les voisins.

En cours de séparation, Axel, qui réside actuellement à Betton (Ille-et-Vilaine), recherche un bien à louer « depuis 3-4 mois ». Ses critères non négociables : « deux chambres et un garage pour ma moto, parce que c’est mon moyen de locomotion ».

Alors, pour être sûr de trouver chaussure à son pied, le quinquagénaire, fonctionnaire titulaire depuis quinze ans, recherche une location à Rennes et jusqu’à 30 kilomètres autour.

Je suis même prêt à co-financer des travaux avec le propriétaire si besoin !

Axel
Locataire

Et pourtant, là encore, les prix des loyers ne sont pas toujours à la portée de tout le monde et souvent pas en adéquation avec les prestations du logement.

Attention aux arnaques

Il y a aussi quelques pièges à éviter. « J’ai failli me faire avoir avec une annonce sur Leboncoin ! C’était pour une maison en dessous du prix du marché. Elle appartenait soi-disant à un couple de retraités qui voulait déménager. »

Après plusieurs échanges de messages avec les propriétaires en question, Axel baisse sa garde. « Finalement, ils m’ont demandé un paiement par coupons PCS. J’ai regardé sur Google ce que c’était. J’ai compris que c’était une arnaque. »

D'après Franck Maussion, agent immobilier à Rennes depuis une vingtaine d'années, le DPE est un critère de plus en plus observé dans les recherches des locataires.
D’après Franck Maussion, agent immobilier à Rennes depuis une vingtaine d’années, le DPE est un critère de plus en plus observé dans les recherches des locataires. (© Clémence Pays/actu Rennes)

Heureusement pour lui, il n’avait envoyé aucun document d’identité au préalable. « Il faut aussi faire attention au DPE », alerte Axel. Ce dernier craint que certains bailleurs fassent appel à des « prestataires peu scrupuleux » pour établir ce diagnostic de performance énergétique et obtenir un meilleur score pour louer des logements F ou G.

D’après Franck Maussion, cette pratique n’est pas la norme. Avec son agence, il fait appel au même prestataire depuis de nombreuses années. « S’il se trompe dans le DPE, c’est qu’il manque d’informations. Dans ce cas, la note est moins bonne que ce qu’elle devrait être. »

On a déjà perdu une ou deux gestions parce qu’on a dit aux propriétaires qu’on applique la loi et que leur bien ne peut plus être loué à moins de faire des travaux. Mais ce sont des cas isolés.

Franck Maussion
Gérant de l’agence Cogir Rennes Centre et vice-président de la FNAIM 35

« Le bailleur a le droit d’avoir des exigences, mais le locataire aussi », martèle le Bettonais. Un sentiment partagé par Jeanne. Celle-ci a fini par obtenir une réponse d’un bailleur social pour un logement « intermédiaire ».

« Le bailleur m’a dit que c’est à moi de prendre contact avec le locataire actuel, pour caler une visite et faire la visite seule, en plus de contacter quelqu’un que je ne connais pas », explique-t-elle en regrettant ce manque d’accompagnement.

L’encadrement des loyers, une solution ?

Pour limiter la hausse trop importante des montants des loyers, il existe des solutions. Il y a l’encadrement des loyers et le plafonnement des loyers. « Ce sont deux réalités complètement différentes », précise Honoré Puil, vice-président de Rennes Métropole, en charge du logement et de l’habitat.

« À Rennes Métropole, on connaît déjà l’encadrement des loyers pour 14 communes, parce que nous avons été classés en zone tendue [en août 2023, N.D.L.R.]. »

Ainsi, le prix du loyer est déterminé librement par le propriétaire. « Mais à la relocation, on repart du prix pratiqué précédemment. Par exemple, si le loyer est de 900 euros, à la relocation, le propriétaire ne peut pas dire ‘je loue à 1 200 euros’», illustre Honoré Puil.

Ce mécanisme applicable dans le parc locatif privé sert à ralentir la progression des prix des loyers.

Honoré Puil
Vice-président de Rennes Métropole, en charge du logement et de l’habitat

Petite particularité dans la métropole rennaise, « il existe un encadrement très strict des loyers dans le parc public et notamment pour les logements sociaux de la métropole ».

En clair, « tous les bailleurs sociaux sur Rennes Métropole pratiquent un loyer unique, qui est le même pour une même typologie de logement », poursuit Honoré Puil. Par conséquent, le prix des loyers ne peut évoluer qu’uniformément, en accord avec les bailleurs sociaux et Rennes Métropole.

Vers un plafonnement des loyers ?

Dans le cadre du plafonnement des loyers, la réglementation empêche le prix du loyer d’évoluer.

« C’est l’État qui entre dans le jeu. Il vient fixer chaque année un loyer de référence médian, avec un loyer minoré et un loyer majoré, c’est-à-dire, un loyer maximum qui ne peut pas être dépassé », explique le vice-président de Rennes Métropole.

L’encadrement des loyers vise à ralentir la hausse des prix. Avec le plafonnement, on bloque les prix.

Honoré Puil
Vice-président de Rennes Métropole, en charge du logement et de l’habitat

Ce dispositif expérimental concerne neuf territoires classés en zone tendue en France. Rennes n’en fait pas partie, les candidatures ayant été lancées par l’État en 2022, la capitale bretonne n’était alors pas encore identifiée comme zone tendue.

Les communes candidates doivent également disposer d’un observatoire des loyers (ce qui est le cas depuis 2014 à Rennes Métropole). « C’est à partir de ces observations, notamment des loyers médians pour chaque typologie de logement, que l’État va fixer les montants des loyers par arrêté préfectoral », détaille Honoré Puil.

Cette période test va s’achever, puisque la fin de l’expérimentation est prévue en novembre 2026. C’est à ce moment là, si l’opération est reconduite, que Rennes Métropole souhaite candidater pour mettre en œuvre le plafonnement des loyers.

Honoré Puil

Si ce dispositif est très demandé du côté des associations de locataires, il fait moins l’unanimité chez les professionnels de l’immobilier.

Une initiative qui tend du côté des locataires donc. Mais le vice-président de Rennes Métropole l’admet : « la vraie solution, c’est de produire des logements » pour contrer la hausse des prix en raison de la raréfaction de l’offre.

La Métropole « se donne l’objectif de produire 5 000 logements neufs par an, soit 30 000 sur six ans ».

En attendant, Jeanne, Axel et moi-même, comme beaucoup d’autres, poursuivons nos recherches. En espérant qu’elles soient fructueuses…

(1) Le prénom a été modifié à la demande de l’interviewée. 

(2) Le dispositif Pinel permet aux particuliers investissant dans des logements neufs destinés à la location, de bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu, en respectant certaines conditions, dont le plafonnement du loyer et des revenus du locataire.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.