La ville de Yutz (Moselle) a inauguré, samedi 30 août, une statue en l’honneur des victimes alsaciennes et mosellanes du régime nazi, dont les Malgré-Nous.

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Installée ce samedi 30 août 2025 devant le cimetière de Yutz (Moselle), la statue réalisée par l’artiste local Sylvain Divo trône en majesté. Un homme en pierre de Jaumont, au regard déchirant, pris dans un étau sans possibilité d’échappatoire : la sculpture exprime sans un mot la souffrance de la population sous l’Allemagne nazie. Sa réalisation est due à deux hommes originaires de la ville qui ont souhaité mettre en lumière les atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale.

Documents à la main, Claude Thuillier et Jean-François Tritschler retracent la vie de leurs parents à l’époque du régime nazi. Lorsque la région a été envahie durant la guerre, le premier n’était alors âgé que de 5 ans et son père a été arrêté pour « opinion antinazi ». Pour le second, né après la guerre, seul un carnet raconte l’histoire de ses parents durant l’Occupation.

« Mon père a fait en sorte que je trouve le cahier de ma mère après sa mort. C’était quelque chose qu’ils avaient écrit parce qu’ils avaient certainement besoin de l’exprimer de cette façon, faute de l’exprimer oralement », confie Jean-François Tritschler.

La découverte de documents officiels et intimes ont permis à Claude Thuillier et Jean-François Tritschler d'en apprendre plus sur leurs histoires familiales.

La découverte de documents officiels et intimes ont permis à Claude Thuillier et Jean-François Tritschler d’en apprendre plus sur leurs histoires familiales.

© FTV / Laurent Parisot, Wilfried Redonnet

Des histoires intimes marquées à jamais par cette période sombre et passées longtemps sous silence que les deux amis ont voulu révéler au grand jour. « On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas que des familles qui avaient souffert mais toute une population, tous les Yuztois ont souffert », rappelle Claude Thuillier.

La ville a en effet été particulièrement victime de l’occupant nazi. Entre 1939 et 1945, de nombreux habitants ont été évacués, expulsés après l’annexion ou sont devenus des Malgré-Nous, autrement dit des jeunes incorporés de force envoyés sur le front de l’Est et qui risquaient la déportation de leur famille en cas de désertion.

« À Yutz, il y a eu 800 enrôlés de force et environ 170 d’entre eux ne sont jamais rentrés. 50 n’ont même pas de sépulture, ils sont encore quelque part en Russie », souligne ému Jean-François Tritschler. Des vies brisées auxquelles ils ont souhaité rendre hommage par l’édification d’une statue.

Le travail de Sylvain Divo est précis, méticuleux. « Je donne l’âme à la pierre, je pars du visage et je construis le reste de la sculpture autour. Il faut qu’il soit expressif par le regard et là on retrouve les deux mains emprisonnées », explique-t-il en plein ouvrage.

Manifester par la pierre ce qui a longtemps été tu : un travail singulier dont les deux passionnés d’histoire se réjouissent. « C’est leur libération et c’est aussi la nôtre parce que les générations suivantes portent le poids de ce qu’il s’est passé », analyse Jean-François Tritschler.

Aménagée devant le cimetière de Yutz ce samedi 30 août, elle sera désormais le témoignage visible d’une population disparue et qui aura connu l’horreur.