Avec l’exposition #paradise, présentée au couvent des minimes dans le cadre de l’édition 2025 de Visa pour l’image, le photojournaliste et documentariste Samuel Bollendorff raconte les catastrophes climatiques à travers les images que leurs victimes ont postées sur les réseaux sociaux. Il explique sa démarche.
Le concept de l’exposition #paradise sort du cadre du photojournalisme classique. Réalisée par Samuel Bollendorff, qui a remporté en 2014 la Visa d’or du webdocumentaire, #paradise regroupe environ 150 photographies de catastrophes naturelles sélectionnées sur les réseaux sociaux et imprimées sur des plaques de verre de 11 cm de large rappelant des écrans de téléphones portables. Au-delà des images, l’intérêt de l’exposition est de raconter comment ceux qui subissent de tels événements les vivent intimement, comment ils y réagissent. À travers leurs propres commentaires.
Comment est née cette exposition ?
Samuel Bollendorff : En 2018, j’avais réalisé un projet qui s’appelait Contaminations et qui avait déjà été exposé à Visa. J’avais fait le tour du monde pour me rendre sur des lieux contaminés, par exemple par les PCB ou la radioactivité. Je suis rentré en me disant qu’il y avait urgence à travailler sur les questions environnementales. Mais je ne voulais pas cracher du kérosène pour aller filmer les incendies en Californie ou l’ouragan à Mayotte. Je me suis alors mis à chercher sur les réseaux sociaux les images que postaient les gens atteints par des catastrophes climatiques.
Des témoignages d’intimité sur une problématique globale
Quel était le but de cette démarche ?
L’objectif était de raconter ces catastrophes. Mais avec, à travers les commentaires qui accompagnaient les posts, les réactions de ceux qui les vivent : la sidération, le mysticisme, ou encore le complotisme. On peut par exemple voir les appels à la prière lancés pendant les incendies en Californie. J’ai aussi été marqué par les nombreux avis de recherche postés par des personnes qui avaient perdu leur chien après les inondations en Espagne. Ce sont des témoignages d’intimité qui nous racontent une problématique globale.
Image postée après l’incendie de Los Angeles, début 2025.
#paradise – Curator: Samuel Bollendorff – #paradise – Curator: Samuel Bollendorff
N’est-on pas loin du photojournalisme classique ?
Quel est le métier d’un journaliste ? Il va voir les gens, il leur tend le micro et retranscrit des citations. Là, c’est pareil. Pour moi, Internet est un terrain de reportage. Les images qui y sont postées contribuent à former le socle des représentations collectives, au même titre que les photographies diffusées dans la presse, mais avec une perception plus individuelle, plus égocentrique. Cela fait partie de nos vies. C’est pourquoi je voulais donner à voir ces images.
L’environnement est une thématique qui sous-tend tout
Comment vous y êtes-vous pris pour vérifier que ces photos étaient authentiques ?
C’est tout un travail d’enquête et de vérification de la source. Il y a des images pour lesquelles il faut creuser. On s’aperçoit notamment qu’il y a des photos de tornades qui sont régulièrement réutilisées dès qu’il y a une nouvelle tempête.
Photo de Valencia submergée par les eaux à l’automne 2024.
#paradise – Curator: Samuel Bollendorff – #paradise – Curator: Samuel Bollendorff
Avant 2018, votre travail était très orienté sur les problématiques sociales ou de santé. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous consacrer de plus en plus aux thèmes environnementaux ?
L’environnement est une thématique qui sous-tend tout. Je veux bien qu’on parle d’immigration ou d’économie, mais si la planète n’est plus viable, ça n’a pas de sens.
Samuel Bollendorff, de L’Œil public à Visa
Samuel Bollendorff est un habitué de Visa pour l’image. Et pour cause : il est président du jury du Visa d’or pour l’information numérique Franceinfo. Photojournaliste et documentariste, il a entre autres collaboré à Libération et a été membre de l’agence de presse indépendante L’Œil public de 1999 jusqu’à sa fermeture en 2010. Samuel Bollendorff affectionne notamment les sujets en lien avec les thématiques sociales, la santé et l’environnement. Il a notamment remporté en 2014 le Visa d’or du webdocumentaire pour Le Grand Incendie, qui portait sur les immolations par le feu sur la place publique en France. Le festival international de photojournalisme de Perpignan a également donné à voir son travail sur les conséquences sociales du Sida (Silence Sida) réalisé de 2000 à 2003. Ou encore son reportage sur les oubliés du miracle économique chinois (A marche forcée) en 2007.