Ces mesures ne devraient plus étonner : le protectionnisme, dans l’histoire américaine, est à la fois ancien et constant. Ancien, car il commence par les débats issus de la guerre d’indépendance, lorsqu’il s’agissait de rejeter les marchandises anglaises. Constant, car tout au long du XIXe siècle, le protectionnisme trouve ses partisans aux États-Unis. Après une phase plus libérale et favorable au libre-échange, le président William Howard Taft, idole de Donald Trump, met en place des tarifs douaniers élevés. En France, à la même époque, on suit une politique comparable sous l’impulsion de Jules Méline.
L’essor du libre-échange et création de l’OMC
Après la Seconde Guerre mondiale, avec notamment la reconstruction, s’impose toutefois une nouvelle idée durable : celle du libre-échange, portée par le GATT, l’accord général sur le commerce et les tarifs douaniers. Le GATT contribue à réduire les taxes douanières dans le monde entier. Cet accord évolue jusqu’à la création de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, en 1994, avec l’espoir que le commerce éviterait la guerre. Comme le disait son secrétaire général et fondateur, l’homme d’affaires irlandais Peter Sutherland : « Sans l’OMC, le monde serait divisé. »
L’un des temps forts de cette politique fut l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001. Pour la France et les États-Unis, cela signifiait une coopération commerciale presque totale, à l’exception notable de l' »exception culturelle », qui permettait de protéger le marché des biens culturels des règles du libéralisme économique. Tout semble aller pour le mieux dans les meilleures économies du monde.
Boeing vs Airbus
Pourtant, un nouveau grain de sable vient perturber cette logique libre-échangiste : l’aéronautique. La concurrence entre Boeing et Airbus s’exacerbe après les attentats du 11 septembre 2001, qui troublent le marché de l’aviation. La société Boeing accuse son concurrent Airbus de percevoir énormément d’aides publiques, violant un accord signé entre les deux groupes dix ans plus tôt. L’affaire dégénère et est portée devant l’OMC. Les deux groupes s’accusent mutuellement, déposant des plaintes officielles, et Boeing finit par se retirer des accords de façon unilatérale.
En 2013, les États-Unis augmentent les droits de douane dans le secteur. À l’époque, Barack Obama est encore président. Boeing ne se porte pas mieux, et la balance commerciale américaine non plus. Alors, en 2019, un certain Donald Trump obtient, devant l’OMC, le droit d’appliquer des sanctions à hauteur de 11 milliards de dollars. Dans un tweet vengeur, il accuse l’Europe d' »exploiter les États-Unis ». Pour Bruno Le Maire, alors ministre français de l’Économie, c’est une injustice et il envisage une hausse des droits de douane en réponse.
Cette guerre commerciale, engagée, et toujours en cours, reflète les incohérences d’une politique d’échanges, née dans un monde où les États-Unis étaient prêts à dépenser davantage pour rester au sommet. Mais depuis l’entrée de la Chine dans le commerce international, les avantages qui lui ont été accordés ont déclenché de nouvelles revendications. Elles ont notamment conduit à cette étrange valse des tarifs douaniers, qui ramène le pays de l’Oncle Sam à ses réflexes du passé : s’isoler pour assurer sa prospérité.