Jean-Marc Stébé estime que les entrées de ville ont un potentiel à exploiter par les politiques urbaines. Crédit : Collection personnelle
Jean-Marc Stébé, professeur de sociologie, a, à Bordeaux en juillet, incité les élus à repenser les entrées de villes pour en faire des zones d’entrée et sortie de ville capables de répondre à différents usages.
Professeur de sociologie, Jean-Marc Stébé est intervenu à Bordeaux en juillet lors du lancement de la consultation internationale sur la transformation des portes métropolitaines. Ses travaux consistent à démontrer que les entrées de ville disposent d’atouts importants, mais qu’il existe des difficultés à requalifier et restructurer les vastes zones commerciales situées à l’entrée et à la sortie des villes, ces zones que l’on surnomme la « France moche ».
Faut-il mettre fin au « zoning » qui classe les différentes parties des villes selon leur intérêt ?
Mettre fin à la politique du zoning, bien sûr, et remédier à ses conséquences. Le zoning est une théorie d’aménagement urbain développé avec le mouvement moderne des architectes dans l’Entre-Deux-Guerres et qui, avec le fonctionnalisme au milieu du 20e siècle, décide d’un espace pour une fonction. Alors, bien sûr qu’il faut essayer de le remettre en cause. Les zones commerciales implantées à la périphérie des villes constituent des zones essentiellement pour la fonction commerciale. Elles correspondent à un usage pratique, facile d’accès en voiture.
Il est donc nécessaire de développer de nouveaux usages : habiter, travailler, se divertir, vieillir, se soigner et essayer d’imaginer des programmes d’architecture territoriale du pavillonnaire. Il ne faut pas penser seulement à du collectif, parce que 80% des Français veulent habiter un pavillon. Donc il faut du pavillonnaire, du collectif, du public privé, des résidences étudiantes, des résidences universitaires. Il faut aussi des programmes de services de proximité comme les agences bancaires, le PMU, le pressing, des espaces de loisirs et de repos. Aussi faire attention de ne pas supprimer nos commerces. Et imaginer des interventions douces, respectueuses de l’environnement. Autrement dit, penser l’insertion d’autres fonctions, en améliorant la qualité architecturale.
L’interface entre la campagne et la centralité urbaine
Il ne faudrait plus du tout d’entrée de ville, selon vous ?
Je n’ai pas dit cela. Il faut essayer que chaque entrée de ville ait sa propre identité. Il ne faut pas l’oublier, elles ne sont pas toutes moches non plus ! Il est nécessaire de penser une intervention sur mesure. Il est vrai que les centres-villes ont fait l’objet depuis plusieurs décennies de nombreuses requalifications, une attention particulière au patrimoine. On a piétonnisé, mis en place des mobilités décarbonées, végétalisé mais il faut penser désormais bien sûr aux zones commerciales situées aux entrées de ville.
Quels sont les atouts des entrées de ville ?
La proximité tout d’abord : proximité de la centralité et proximité de la nature aussi, c’est à l’interface entre la campagne et la centralité urbaine. Elles offrent aussi une accessibilité assez performante aux abords d’une route, à proximité d’une autoroute. Il y a des espaces attractifs avec des prix du foncier plus faibles qu’en ville qui attire des activités économiques et qui peut attirer des citoyens de la classe moyenne aussi. On peut y prévoir des espaces assez vastes qui permettent d’aménager des zones d’habitat individuel, des espaces de verdure, des espaces d’habitat collectif.
Quelles sont les difficultés pour faire muter ces zones ?
La question du remembrement foncier est une question extrêmement délicate pour que ces nouveaux landmass soient possibles. Il est nécessaire de convaincre les propriétaires. La question du transfert d’activité est également un point extrêmement délicat. La question du remplacement des commerces par des logements est peut-être plus facile à envisager financièrement, car si on aménage un parc, le coût ne sera pas le même. L’acceptabilité de la densité n’est pas si évidente que cela non plus. On voit bien dans les zones où on redensifie, il y a énormément de critiques sur les voisins qui se retrouvent trop près.