Première des huit maisons de la villa Seurat construites il y a un siècle pour des artistes, près du parc Montsouris, son esthétique n’a pas vieilli.
Après deux ans de rénovation, la maison-atelier est présentée à l’état originel, dans une scénographie de Jean-Michel Wilmotte. Photo Patrick Rimond / Académie des beaux-arts
Publié le 31 août 2025 à 09h30
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Dans les années 1920, la fine fleur artistique de l’époque, avec laquelle Jean Lurçat frayait, aimait se retrouver dans le quartier du Montparnasse. Mais la flambée des prix de l’immobilier sévissait déjà. Alors, à défaut d’un atelier au cœur du bouillonnant 14ᵉ arrondissement, le peintre, instigateur du renouveau de la tapisserie au XXᵉ siècle, va trouver un port d’attache à quelques encablures de là, à la lisière du quartier du Petit-Montrouge et du réservoir de Montsouris. Son frère cadet, André, architecte formé aux Beaux-Arts, est un membre important (avec Le Corbusier, Perret et Mallet-Stevens) du mouvement moderne d’après-guerre, caractérisé par le jeu des volumes, la sobriété des façades, les larges baies vitrées, les toits-terrasses, l’abandon de la symétrie… Il est également proche de Walter Gropius, le père du Bauhaus.
En 1925, André déniche un terrain occupé par des hangars et des écuries où il va construire pour Jean une maison-atelier. Sur sa lancée, André va concevoir dans cette impasse du 14ᵉ – la villa Seurat – sept autres demeures d’artistes (pour l’écrivain Frank Townshend, le sculpteur Arnold Huggler, les peintres Edouard Goerg et Marcel Gromaire…). Seule exception : la bâtisse qui s’élève au numéro 7 bis, ancien atelier de la sculptrice Chana Orloff, est signée Auguste Perret. Avec son portique en béton apparent, cher à l’artisan de la reconstruction du Havre, dans lequel s’insèrent un panneau de briques en damier et deux portes rouges surmontées d’une paroi vitrée, elle répond dans un harmonieux jeu de contrastes aux façades blanches recouvertes d’enduit lisse de la maison-atelier de Jean Lurçat, située non loin.
La maison-atelier, conçue par André, le frère du peintre Jean Lurçat, mêle toutes les formes d’arts décoratifs (tapisserie, céramique, peinture, vitrail…) Photo Patrick Rimond / Académie des beaux-arts
Cette dernière a rouvert au public début juillet après deux ans d’une rénovation menée sous la houlette de l’Académie des beaux-arts, propriétaire des lieux depuis 2010, suite au legs de la veuve de l’artiste, Simone Lurçat. La restauration a permis de redonner toute sa superbe à cette désormais centenaire d’une incroyable modernité. Et d’offrir « un lieu à la hauteur » de Jean Lurçat, artiste prolifique, « très contemporain et touche-à-tout, qui s’est exprimé dans le vitrail, le tissu, la peinture, la céramique… », comme le rappelle Jean-Michel Wilmotte, qui a imaginé la scénographie de la maison-atelier. Chaque espace met en valeur une facette de l’œuvre du créateur (tapisseries, céramiques, tableaux, illustrations, poèmes…) tout en révélant son cadre de vie et de travail. Ainsi, dans les étages, cuisine, chambre, et séjour ont retrouvé leur état originel et leur décor d’époque, à commencer par le mobilier dont une partie a été conçue par André.
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La visite s’achève sur l’atelier, au 3ᵉ étage, ouvrant sur une terrasse décorée au sol par l’artiste. De là, on dispose d’un point de vue imprenable pour admirer la villa Seurat, artère paisible qui forme aujourd’hui l’un des trois principaux ensembles du mouvement moderne de la capitale avec les maisons de Le Corbusier et Jeanneret, square du Docteur-Blanche, et la rue Mallet-Stevens, situées dans le 16ᵉ arrondissement. La visite de la maison-atelier permet ainsi une plongée dans l’univers de deux frères dont les talents se nourrissaient mutuellement, au service d’une sorte d’œuvre totale mêlant arts, architecture et intimité. À compléter par un passage à la librairie Lurçat, ouverte en décembre 2024 à l’angle de la villa Seurat, où l’on trouve livres d’art, catalogues d’expo, publications de l’Académie et un vaste rayon jeunesse.
Y aller
Métro, ligne 4, station Alésia.
Visiter
Maison-atelier Jean-Lurçat, 4, villa Seurat, Paris 14ᵉ. Visites guidées ven. et sam. sur réservation, 45 min, 10-15 €.
Librairie Lurçat, 101, rue de la Tombe-Issoire, Paris14ᵉ. Mar.-sam. 11h-19h.