Quarante-quatre ans qu’ils régalent les papilles des amateurs de pâtes fraîches et de produits italiens de l’aire toulonnaise.

Dans la petite boutique de la rue Lamalgue, quartier du Mourillon à Toulon, les frères Adrien (44 ans) et Camille (38 ans) Seferis ont pris la relève de cette institution créée en mars 1981 par leurs grands-parents. Comme chaque matin, la file d’attente s’étend jusque sur le trottoir.

« On produit 150kg de pâtes par jour », annonce le cadet, les mains enfarinées. Soit environ 40 tonnes par an qui sortent directement du laboratoire attenant et ouvert sur la boutique.

Une réputation bâtie sur un savoir-faire transmis de génération en génération, et la qualité de produits frais aux saveurs authentiques. Et qui a, depuis, dépassé les limites du quartier toulonnais.

Une recette, deux boutiques

« À l’origine mes parents, Costa et Simone Seferis, étaient dans l’hôtellerie. Ils tenaient la pension de famille Beauséjour à Sanary. Mais à l’âge de la retraite, ma mère s’ennuyait. Ils ont donc créé la boutique de pâtes au Mourillon, rue Lamalgue, en pensant à l’avenir de leurs enfants. On a donc travaillé en famille, avec mes parents, mon frère Gilles et ma belle-sœur », rembobine Patricia Msika, 64 ans.

« Quand mes parents ont créé la boutique de pâtes, raconte la commerçante, on est allés acheter le matériel dans la région de Gênes. Et c’est là-bas et qu’on a appris la fabrication des pâtes, alors qu’on ne parlait pas un mot d’italien! »

En 2008, Patricia choisit de voler de ses propres ailes. « On a décidé d’ouvrir sur un autre secteur. Chacun sa fabrication. Chacun sa boutique. Vous savez comment c’est quand on est des Méditerranéens, on parle, on se dit les choses… Mais attention, on n’est pas fâchés pour autant », sourit la patronne, qui a donc ouvert une deuxième boutique dans le quartier de Mar Vivo, à La Seyne, de l’autre côté de la rade.

Difficile de dire qui fabrique les meilleurs raviolis de la région… Et pour cause, « on a la même base, la même recette, la même formation des commis et des seconds de cuisine », explique la cheffe d’entreprise.

Mais chaque artisan pastier a son coup de main. « La cuisine, c’est aléatoire et subjectif, ce n’est pas comme en pâtisserie où chaque ingrédient est pesé au gramme près… Quand on travaille la pâte, il faut savoir s’adapter à la température, à l’humidité… »

Une clientèle fidèle


Patricia Msika et son fils Mathieu Carraud dans la boutique Les Pâtes… à Mar Vivo, La Seyne. Photo Frank Muller.

Que ce soit à Toulon ou La Seyne, tout est fabriqué sur place chaque matin. « On travaille uniquement avec de la viande française, par exemple pour les raviolis à la daube, on commande de la Limousine. »

Vingt-cinq variétés de raviolis tournent dans le présentoir réfrigéré. Plus les lasagnes, cannellonis… Et même une partie traiteur et épicerie italienne. Et à chaque saison ses spécialités. En hiver, la truffe, le foie gras, le bœuf braisé. En été, place au basilic, au citron et aux salades de pâtes.

« On travaille aussi avec des professionnels, des restaurateurs… Mais uniquement des établissements sérieux, assume Patricia. Chez nous on fait de la qualité à des prix corrects, c’est un engagement, une humilité qu’on se doit d’avoir envers nos clients. C’est pourquoi on est aussi exigeants envers nos salariés. »

3e génération

« Malgré la hausse des matières premières, on reste compétitifs en rognant sur nos marges pour faire plaisir à tout le monde, explique Adrien Seferis. Ce qui implique de travailler à flux tendu en permanence, car tout est frais du jour, pas de congélateur, donc tout doit disparaître dans la journée. »

« Par exemple à 9h30 je n’avais déjà plus de gnocchis à la romaine; quand c’est vendu c’est fini », déroule son frère Camille.

Aujourd’hui, Patricia Msika a délégué la production et la gestion du personnel à son fils Mathieu Carraud, 40 ans. Au Mourillon aussi, c’est la nouvelle génération, les frères Adrien et Camille Seferis, qui mettent la main à la pâte.

« La recette et le processus n’ont pas changé. Le plus difficile c’est d’être régulier », explique Adrien. Un métier « physique, usant et répétitif » qu’ils exercent depuis qu’ils sont jeunes.

Il faut dire que les « héritiers » de la 3e génération sont tombés dans le pétrin familial très jeunes. « On n’avait pas vraiment le choix! », rigolent-ils.

Un laboratoire commun?

Avec dix salariés et près d’un million d’euros de chiffre d’affaires, la petite boutique toulonnaise a tout d’une grande. Pourtant, impossible de pousser les murs. Même dilemme à La Seyne.

Dans le laboratoire à l’arrière de la boutique, le vieux laminoir italien d’origine fonctionne à plein régime. Mais aujourd’hui, le laboratoire est devenu trop petit. « On réfléchit à trouver un laboratoire plus grand, à l’extérieur », avance Patricia, en cheffe d’entreprise visionnaire.

« Ça fait un moment qu’on a ce débat, peut-être dix ans, s’impatiente Camille. Dans une entreprise, en famille ou pas, il ne peut y avoir qu’un seul chef. Plus il y a d’associés, et plus il y a d’avis à donner. »

« Si on décide de produire ailleurs, les clients pourraient penser que ce ne sont plus des pâtes artisanales fabriquées sur place mais du semi-industriel », tempère Adrien. On imagine les débats enflammés, le dimanche, autour de la table…

Du Mourillon à Mar Vivo, les cousins Mathieu, Camille et Adrien savent qu’ils ont atteint les limites de leur capacité de production. S’ils veulent poursuivre la success-story familiale, ils devront s’agrandir.

En attendant que le conseil familial se prononce, les raviolis daube au vin, les lasagnes au bœuf et autres cannellonis aux épinards et à la brousse continuent de se vendre comme des petits pains.

Les Pâtes, avenue Pablo Neruda, quartier Mar Vivo à La Seyne. Ouvert du lundi au samedi de 8h à 13h et de 15h30 à 19h, dimanche de 8h à 13h. Commandes au 04.94.94.27.83.

Aux Pâtes Fraîches, 13 rue Lamalgue à Toulon, ouvert du mardi au samedi de 8h30 à 12h30 et de 16h à 19h, dimanche de 8h30 à 12h30. Commandes au 04.94.41.57.00.