La décision de la justice américaine de déclarer une partie des nouveaux droits de douane illégaux est une bonne nouvelle pour la Suisse, même si ce sera à la Cour suprême de trancher. En attendant, Berne poursuit ses efforts diplomatiques et envisage de choyer les géants du numérique pour amadouer Donald Trump.
Selon la NZZ am Sonntag, le Conseil fédéral est prêt à promettre que les bénéfices des grandes entreprises comme Google ou Facebook ne seront pas taxés en Suisse. Cet engagement figurerait dans le nouveau projet d’accord entre Berne et Washington.
L’idée est de miser sur un sujet qui irrite au plus haut point Donald Trump: les velléités européennes de faire passer les grandes entreprises technologiques à la caisse. Ces sociétés ont une structure internationale qui leur permet de limiter leur charge fiscale, et ce au détriment de nombreux Etats. Jugeant la situation injuste, la France, l’Italie ou l’Autriche ont instauré des taxes sur les services numériques ces dernières années.
Selon le journal alémanique, la Suisse promettrait à Washington de ne pas emboîter le pas aux Européens, en contrepartie d’un meilleur accord douanier. Contacté, le Secrétariat d’Etat à l’économie refuse tout commentaire sur les négociations en cours.
Un sujet récurrent à Berne
La taxation des géants du numérique est un sujet récurrent à Berne. Cela fait des années que la gauche s’y intéresse. Mais le Conseil fédéral et la majorité bourgeoise s’y sont toujours opposés. Pour eux, il n’est pas question que la Suisse agisse seule. Pour prendre une telle décision, il faudrait se mettre d’accord avec un maximum de pays.
Il y a d’ailleurs eu des discussions pour instaurer une taxe numérique au sein de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais le projet a été abandonné sous la pression de Washington, avant même l’arrivée de Donald Trump au pouvoir.
La Suisse propose donc désormais aux Etats-Unis de renoncer à une taxe qui n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Aucun projet concret n’est en effet sur les rails. La gauche n’a toutefois pas abandonné l’idée. Une élue verte a d’ailleurs récemment fait une nouvelle tentative au sein de la commission de l’économie et des redevances du Conseil national. Son texte n’a pas encore été examiné.
Des parlementaires sceptiques
A Berne, certains s’étonnent toutefois que le Conseil fédéral outrepasse le processus parlementaire. Plusieurs élus des Vert-e-s et du PS regrettent aussi que le gouvernement se prive d’un potentiel levier pour faire pression sur les Etats-Unis.
A droite, la stratégie du Conseil fédéral rencontre plus de succès. Les élus contactés par la RTS estiment que le gouvernement a raison d’essayer. Mais proposer d’abandonner une taxe qui n’est pas prévue suscite néanmoins quelques commentaires ironiques dans les rangs du PLR et de l’UDC.
Ce qui est sûr, c’est que la Suisse va devoir faire avec les nouveaux droits de douanes américains de 39% pendant encore au moins plusieurs semaines. En attendant que la diplomatie ou la justice permettent peut-être d’atténuer la douloureuse.
Sujet radio: Marielle Savoy
Texte web: Frédéric Boillat avec ats