Finaliste de l’appel d’offres lancé par Oslo en vue d’acquérir cinq à six nouvelles frégates pour remplacer celles appartenant à la classe classe Fridtjof Nansen [quatre en service, le HNoMS Helge Ingstad ayant fait naufrage en 2018, ndlr], Naval Group n’a pas ménagé sa peine pour imposer sa Frégate de défense et d’intervention [FDI].
En effet, au cours de ces derniers mois, l’industriel français a noué des partenariats avec les instituts de recherche norvégiens NORGE et SINTEF Ocean ainsi qu’avec Kongsberg, avec l’objectif de renforcer les positions des deux groupes « en tant que ‘leaders’ mondiaux dans le secteur de la défense ».
Dans le même temps, Naval Group pouvait compter sur le renforcement de la coopération militaire entre la France et la Norvège, les deux pays s’étant engagés à « renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne » et à encourager « les industries de la défense française et norvégienne à mener des projets conjoints, notamment dans le cadre de programmes et d’initiatives de l’Union européenne », dans le cadre d’un « partenariat stratégique » scellé en juin dernier.
Puis, les qualités de la FDI devaient faire le reste, les caractéristiques de son système de propulsion, associées aux savoir-faire français en matière de lutte anti-sous-marine, étant « adaptées à la navigation dans les fjords », selon Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA].
En outre, le ministère norvégien de la Défense avait insisté sur la possibilité de rejoindre un programme « déjà en cours », afin de pouvoir disposer de nouvelles frégates le plus tôt possible, ainsi que la nécessité de nouer un « partenariat stratégique » avec un allié proche, l’acquisition, l’exploitation et la maintenance des futurs navires devant se faire conjointement.
La FDI cochaient toutes ces cases. Du moins le croyait-on. En effet, lors d’une conférence de presse donnée ce 31 août à Oslo, le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre, a annoncé que BAE Systems avait remporté l’appel d’offres de 8,5 milliards d’euros, avec sa frégate de type 26 [ou classe City].
« Ce sont les performances et l’étroitesse du partenariat qui ont fondé notre conviction commune que la frégate britannique est la meilleure, ainsi que l’intégration très étroite entre la marine norvégienne et la marine britannique au fil du temps », a justifié M. Støre.
En outre, au début de cette année, BAE Systems s’était rapproché du chantier naval norvégien Hamek en vue d’établir une coopération pour éventuellement assurer le maintien en condition opérationnelle des frégates de type 26.
« La Norvège et le Royaume-Uni sont des alliés proches, partageant des intérêts communs et entretenant des liens bilatéraux forts », a insisté le Premier ministre norvégien. « Je suis convaincu que le partenariat stratégique avec le Royaume-Uni pour l’achat, le développement et l’exploitation de frégates est la bonne décision », a-t-il ajouté, avant d’admettre que le choix avait été « difficile » car les quatre offres en lice, dont celles soumises par l’Allemagne et les États-Unis, étaient « solides et compétitives ».
« Naval Group prend acte du choix de la Norvège de ne pas avoir sélectionné la FDI pour son futur programme de frégates, à l’issue d’une compétition intense. C’est un choix souverain que nous respectons, et qui ne remet aucunement en cause les capacités de la frégate FDI qui a déjà été sélectionnée par deux marines européennes membres de l’Otan », a réagi l’industriel français, via un communiqué relayé par Challenges.
« Naval Group poursuit le développement international de la FDI au service de pays qui souhaitent bénéficier d’une flotte de premier rang avec un navire conçu pour le combat de haute intensité sur toutes les mers du globe », a-t-il conclu.
La frégate de type 26 a déjà été choisie par la Royal Navy [pour 8 unités], l’Australie [classe Hunter, commande réduite de 9 à 6 exemplaires, en raison de surcoûts] et le Canada, où, par ailleurs, Naval Group a connu une autre déconvenue, après avoir été écarté du Projet de sous-marins de patrouille canadiens. Cela étant, l’industriel français s’était moins investi que ses concurrents allemands et sud-coréens, désignés finalistes, pour remporter ce marché estimé à 60 milliards de dollars canadiens.
Reste à voir le rôle qu’a pu avoir dans la décision norvégienne la présumée fuite de données sur les systèmes de gestion de combat des frégates multimissions [FREMM]. « Présumée » car, après avoir assuré n’avoir constaté aucune intrusion dans ses réseaux informatiques, Naval Group y a vu une « attaque réputationnelle », le 26 juillet dernier.
Ce qu’a confirmé le cabinet français d’intelligence économique Timour, pour qui l’hypothèse d’une attaque réputationnelle « orchestrée par un concurrent en plein round d’appels d’offres » et visant « à discréditer Naval Group ou un de ses fournisseurs » est la « plus probable ».