Un tribunal arbitral de La Haye a jugé que l’interdiction décidée par le Royaume-Uni concernant la pêche au lançon dans les eaux anglaises — qui s’appliquait également aux navires de l’UE — était disproportionnée. En revanche, il a validé les restrictions en vigueur dans les eaux écossaises. La décision prise vendredi 2 mai pourrait avoir des répercussions plus larges sur les relations entre Londres et Bruxelles.
En mars, le gouvernement britannique a interdit la pêche au lançon dans les eaux maritimes anglaises et écossaises. Cette mesure affecte directement les navires européens, surtout danois, qui assurent 97 % de cette activité.
L’interdiction a rapidement provoqué des tensions diplomatiques entre l’UE et le Royaume-Uni. C’est dans ce contexte que la Cour permanente d’arbitrage (CPA), mise en place dans le cadre de l’accord de commerce et de coopération post-Brexit, a été saisie pour trancher le litige.
Vendredi, le tribunal a jugé que si les restrictions imposées dans les eaux écossaises pouvaient être maintenues, celles concernant les eaux anglaises ne respectaient pas le principe de proportionnalité.
Les avocats britanniques avaient fait valoir en janvier qu’en raison du changement climatique et de la pêche commerciale, le lançon risquait de connaître « un nouveau déclin », tout comme les espèces dépendant du petit poisson pour se nourrir, tels que les macareux moine ou les phoques.
Bruxelles accusait de son côté Londres de ne pas avoir respecté l’Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne en interdisant la pêche.
En vertu de cet accord, les pêcheurs de l’UE conservaient l’accès aux eaux britanniques pendant une période de cinq ans et demi, se terminant à la mi-2026.
Après cela, l’accès aux eaux respectives sera décidé lors de négociations annuelles.
La CPA a décidé que le Royaume-Uni « a manqué à son obligation d’accorder le plein accès à ses eaux pour la pêche du lançon », explique l’arrêt.
Il s’agit de la première bataille commerciale judiciaire entre le bloc des Vingt-Sept et le Royaume-Uni depuis sa sortie de l’UE en 2020.
Le gouvernement britannique a réagi à la décision de justice en qualifiant son infraction de simple « erreur de procédure ». « Nous saluons la clarté apportée par cette décision et nous nous engageons à mener de bonne foi un processus visant à mettre le Royaume-Uni en conformité avec les points spécifiques soulevés par le tribunal », a déclaré un porte-parole de l’exécutif.
Cependant, ce dernier a précisé que cette décision n’obligeait pas Londres à rétablir l’accès des eaux anglaises aux navires européens. « Nous restons déterminés à protéger nos oiseaux marins », a-t-il souligné.
Le tribunal a par ailleurs rejeté les arguments de l’Union européenne selon lesquels l’interdiction britannique n’était pas fondée sur des bases scientifiques. Avec son interdiction de pêche, l’objectif de Londres était de protéger une espèce qui constitue une importante source de nourriture pour les oiseaux marins.
Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré que l’exécutif européen était toujours en train d’« analyser » la décision du tribunal.
Le différend sur le lançon s’inscrit dans un conflit plus large entre Londres et Bruxelles sur la pêche. L’année dernière, les Vingt-Sept n’ont pas vu d’un bon œil l’interdiction par le Royaume-Uni de la pêche de fond dans treize de ses zones marines protégées et ont fait pression sur la Commission pour qu’elle agisse.
Cette affaire souligne une nouvelle fois les tensions persistantes dans les relations entre les deux parties, à l’approche d’une échéance cruciale.
Les pêcheurs européens et britanniques restent en alerte à l’approche du sommet bilatéral prévu à Londres le 19 mai. Un accord pourrait y être annoncé concernant l’avenir des droits de pêche.
Les États membres souhaitent conserver l’accès aux eaux britanniques après l’échéance de juin 2026, mais les pêcheurs britanniques estiment que tout renouvellement devra faire l’objet de contreparties.
La semaine dernière, le Financial Times rapportait que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Premier ministre britannique, Keir Starmer, pourraient annoncer un accord prolongeant l’accès des navires européens pour au moins deux années supplémentaires.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]