À Castries, Thierry Guibal, à 43 ans, cultive bien plus que du vin. Depuis un accident qui a changé sa vie, il a repris les 25 hectares familiaux pour en faire un lieu où la vigne, la biodynamie, les fêtes et les rencontres se rangent pêle-mêle selon la passion du moment. Portrait d’un vigneron, insatiable et passionné, pour qui chaque saison fait naître une nouvelle envie.

Si une benne à vendanges de 5 tonnes ne lui avait pas démanché le pied à 22 ans, Thierry Guibal serait sans doute encore à tirer des bords en kitesurf, entre deux compétitions, quelque part dans le monde. Il était en Staps, il visait haut. L’accident a tout stoppé, du moins cette carrière-là car, aujourd’hui, à 43 ans, Thierry Guibal gère le domaine viticole de Bannières à Castries avec tout autant de passion.

22 ans donc et retour sur terre. Le jeune homme rejoint le domaine viticole familial, comme vendeur, pour commencer. Chez les Guibal, on n’est pas vignerons de métier. Des aïeuls médecins à Montpellier, un grand-père ingénieur agricole, un père pharmacien… Tous retrouvent les vignes les week-ends et à la retraite. Les générations changent, le domaine de Bannières reste. C’est leur refuge. “Quand on est médecin à Montpellier, le week-end, on se fait alpaguer, sur le marché ou en pleine rue, pour parler bobos. Vaut mieux s’éloigner, disait ma grand-mère.”

De la vente à la vigne

Le jeune apprenti passe rapidement du bureau à la vigne. Il apprend à tailler, à greffer, à soigner, à récolter aux côtés de l’ouvrier en chef et sous les ordres d’un père pour le moins exigeant. Les 25 hectares familiaux se transmettent depuis sept générations. Le domaine remonterait à 1768. La cave, elle, a connu plusieurs vies : effondrée en 1918, relevée en 1922, abandonnée pour la coopérative en 1939. Depuis quelques années, elle est de retour. Réinstallée sur le domaine.

Bio, biodynamie et héritage familial

Les ceps ont en moyenne 34 ans. Certains sont là depuis 1954, d’autres ont tout juste sept ans. Ici, pas de rotation calculée. La vigne reste tant qu’elle vit. 2001 : passage en bio. 2003 : certification. 2014 : virage en biodynamie, sans transition. “On était déjà dedans depuis très longtemps.” Et pour cause, le père pharmacien se méfiait des molécules chimiques qu’il ne connaissait que trop bien. Les engrais n’allaient pas tarder à disparaître eux aussi : 1991, un gel sévère ruine la récolte et vide les caisses. 1992 : faute de moyens, pas d’engrais et, contre toute attente, un millésime exceptionnel. « Le climat y était pour beaucoup », tempère Thierry, mais la leçon est tirée : pas de pesticides, pas non plus d’engrais. « Mon père faisait une sorte d’homéopathie pour la vigne avant l’heure. Il avait ses propres remèdes – camomille allemande, lait de vache, prêle… Il avait même un blog avant tout le monde sur internet pour expliquer ce qu’il faisait. »

 

Faire revenir le vin et la vie

Pendant des décennies, la cave familiale est donc à l’arrêt au profit de la coopérative, seules les vignes travaillent. Thierry, finalement, remonte la cave, réaménage les bâtiments… Il ramène le vin et la vie sur place. Aujourd’hui, et comme beaucoup de domaines, il fait bien plus que du vin en bouteilles. Sur demande, le vigneron emmène les visiteurs explorer les parcelles, explique la vigne, la vinification, la cave, le bio et la biodynamie, ses forces et ses facéties. Sans dogme.

Quatre fois par an, une fois par saison, l’ancienne aire de battage accueille près de 500 invités pour une soirée vins et musique. “L’Aire en fête” se remplit dès 18 h : dégustations bien sûr, food trucks, concerts… Ce furent d’abord des soirées improvisées entre amis, puis avec les clients puis avec les amis des clients. Maintenant, elles sont attendues d’une année sur l’autre et réclamées par les touristes. Autre soirée, autre style : deux fois par an surgissent les “full moon” avec un dress code noir, de l’électro-house, des néons, des danseurs et des danseuses.

Pour ceux qui sont plus nature de jour, une première balade avec Violette Marie a vu le jour cet été : cueillette sauvage, ateliers, montage de hamac, cyanotypie, randonnée à la lanterne et balade dans les vignes bien sûr. Parfois, c’est une équipe de tournage qui envahit le domaine. Un si grand soleil a monté l’un de ses décors sur place depuis janvier.

 

Un vigneron qui ne s’arrête pas

Et comme Thierry Guibal ne tient pas en place, il est aussi conseiller municipal. Puis, quand il ne travaille pas au domaine, et que les affaires publiques ne l’occupent pas, il est sur une planche, en kitesurf sur sable. À côté de la cave, il prépare un raisiné, confiture de raisin, qu’il compte bientôt vendre. Il travaille aussi à construire un gîte, pour proposer des séjours de déconnexion – loin des écrans, proche du vivant. Et, il rêve d’y inviter sa sœur, Claude Guibal, grand reporter à France Inter, pour des rencontres impromptues entre artistes et intellectuels.

D’ici là, une date s’approche : ce samedi 30 août, retour de “l’Aire en fête” à réserver par SMS. En septembre – certainement le dimanche 21 mais la date est à confirmer –, ce sera journée de grappillage. Familles et amis cueillent les grappes rescapées des vendanges et repartent avec leur panier ou filent au pressoir pour faire leur jus eux-mêmes. Parce qu’ici, Thierry Guibal ne veut rien gâcher, ni les raisins ni les bons moments.

Thierry Guibal, 1135 route de Bannières, 34160 Castries. Tél. : 06 52 26 32 04.