Il n’est pas un homme qui renonce. Le professeur Mathieu Molimard, pharmacologue au CHU de Bordeaux a mené un combat de haute lutte depuis la pandémie de Covid, contre la désinformation médicale. Également pneumologue, il s’est retrouvé un jour face à l’une de ses patientes, gravement asthmatique et déterminée à cesser de se soigner. Parce qu’elle avait vu sur internet qu’elle risquait gros à suivre son traitement si jamais elle contractait le Covid. Mauvaise info bien évidemment ; « elle risquait surtout sa vie à cesser son traitement » lui a alors répliqué le médecin. Le professeur bordelais est aujourd’hui chargé d’une nouvelle mission confiée par le ministre de la Santé : il s’agit de construire une stratégie qui réponde aux méfaits des fake news en santé. Dominique Costagliola, professeur d’épidémiologie à l’Inserm et Hervé Maisonneuve, médecin de santé publique, ont été également missionnés.

Ces fausses infos qui circulent pourraient empoisonner les données utilisées par l’Intelligence artificielle »

Vous êtes acteur de la défense d’une information claire et validée concernant les questions de santé et de science. Quel a été le déclencheur ?

J’y ai toujours été sensible. Mais tout s’est emballé au moment du Covid, en mars 2020 très précisément. Avec la Société française de pharmacologie, nous avons mis en ligne une liste de questions-réponses sur les médicaments face à la pandémie, parce que nous mesurions que les fausses informations circulaient dangereusement.

L’épisode hydroxychloroquine du professeur Raoult de Marseille a ouvert la boîte de Pandore, générant une division chez les Français. Comment avez-vous réagi ?

Quelques jours après les annonces du professeur de Marseille, sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid, on a découvert une machine de guerre, face à nous, avec une organisation quasi-militaire de la désinformation : communicants, avocats, pseudo-journalistes, scientifiques hors de leur domaine de compétence, pseudos experts, armée de trolls sur les réseaux sociaux, le tout largement financé de façon occulte. Les fake news peuvent se révéler dangereuses pour la santé publique, tout le monde peut s’en emparer, aussi bien des médecins, que des non-médecins. Ces fausses infos qui circulent pourraient empoisonner les données utilisées par l’Intelligence artificielle.

En 2023 à Saintes, une grande conférence se tenait par les antivax, organisée par le collectif ReinfoCovid devant 1 500 personnes. De la désinformation médicale savamment orchestrée.

En 2023 à Saintes, une grande conférence se tenait par les antivax, organisée par le collectif ReinfoCovid devant 1 500 personnes. De la désinformation médicale savamment orchestrée.

Jean-Christophe Sounalet

Vous n’avez jamais cédé face aux menaces répétées, anonymes la plupart du temps, là où d’autres ont abandonné le combat. Pourquoi ?

Les procès « bâillon », destinés à faire taire les scientifiques qui osent parler et défendre la vérité validée par la science, sont nombreux en effet. En ce qui me concerne, je n’ai pas vécu de procès, mais j’ai reçu des lettres d’insulte, des menaces de mort, jusqu’à une mise en demeure d’avocat pour m’interdire d’enseigner, me sanctionner. Des courriers répétés me concernant ont été envoyés au président de l’Université de Bordeaux, au ministre de la Santé. Ces mésinformations sont graves, elles peuvent générer des morts. Quand un pharmacien vend « un vaccin » homéopathique contre la grippe, il ment. Ce n’est pas un vaccin et si la personne qui le croit est âgée et fragile, elle peut mourir de la grippe.

La vaccination de masse contre le Covid a généré beaucoup de défiance alimentée par les réseaux sociaux. Que peut-on dire aujourd’hui des effets indésirables des vaccins ?

Les effets indésirables sont connus, le vaccin a été donné à des milliards de personnes, jamais un médicament n’a fait l’objet d’autant d’études et de suivi. Les vaccins n’ont pas provoqué les cancers « turbo », déjà ce terme n’existe pas, c’est du marketing. Les myocardites font partie des effets indésirables repérés, en moins graves et fréquents qu’avec un Covid déclaré.

Comment va se dérouler cette mission d’expertise indépendante ?

Il était important de réaliser un bilan présentant nos forces, nos faiblesses et nos besoins de coordination au regard du tsunami de la désinformation. Cette mission d’expertise qui nous a été confiée permet de diagnostiquer la situation, et de coordonner une riposte, en mobilisant les acteurs, car la désinformation profite de l’espace libre que nous laissons. Il ne faut plus laisser les fausses infos sans contradiction. Nous allons rencontrer les acteurs mobilisables, engagés sur leur terrain et les sonder. À partir de cet état des lieux, nous allons construire des recommandations autour des notions de détection, d’éducation à la santé, de formation des soignants, créer une plateforme d’infos vérifiées et fiables, et envisager des sanctions car il y a des lois qui doivent être appliquées pour protéger la santé des patients et de la population.