l’essentiel
Une étude publiée dans Nature par une équipe toulousaine révèle que le stress maternel pendant la grossesse pourrait dérégler le système immunitaire du fœtus et préparer le terrain à l’eczéma.
Rougeurs, démangeaisons, sommeil perturbé : l’eczéma du nourrisson, ou dermatite atopique, constitue aujourd’hui la maladie cutanée la plus fréquente chez l’enfant. En France, il touche environ 15 à 20 % des enfants de moins de deux ans, soit un nouveau-né sur cinq. Au total, plus de 2,5 millions de personnes vivent avec cette affection dans l’Hexagone, et son incidence a doublé, voire triplé, chez l’enfant au cours des trente dernières années.
Stress maternel
Si la génétique et la fragilité de la barrière cutanée sont des facteurs connus, une étude publiée le 27 août dans Nature suggère que l’origine de la maladie pourrait remonter bien avant la naissance. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Toulouse démontrent qu’un stress maternel au cours du deuxième trimestre de grossesse, entraînant une élévation du taux de cortisol, pourrait dérégler le système immunitaire du fœtus et prédisposer sa peau à l’eczéma.
Le modèle murin a permis de préciser ce lien : des souris gestantes soumises à un stress lumineux ont vu leur descendance développer une perte accrue d’eau transépidermique et, après stimulation, des lésions cutanées caractéristiques de l’eczéma. Les analyses ont montré une hypersensibilité nerveuse et une activation anormale des mastocytes, cellules immunitaires à l’origine des démangeaisons. « Les mastocytes sont déjà activés au repos, dans un environnement neutre, ce qui veut dire que la peau est prédisposée à développer l’inflammation », résume Nicolas Gaudenzio, chercheur Inserm et dernier auteur de l’étude.
Une cohorte de 58 femmes enceintes suivies à Singapour renforce l’hypothèse : celles qui souffraient elles-mêmes d’eczéma présentaient des taux plus élevés de cortisol au deuxième trimestre, période clé de la mise en place des systèmes nerveux et immunitaire cutanés.
Ces résultats apportent un éclairage inédit sur une maladie qui, dans le monde, touche 10 à 20 % des enfants dans les pays industrialisés, avec une tendance à la hausse. En Europe, la prévalence se situe autour de 10 à 15 % chez l’enfant et environ 4 % chez l’adulte. En France, près de 50 % des nourrissons atteints développeront plus tard de l’asthme, et 30 % une rhinite allergique, confirmant l’existence d’un « terrain atopique » qui évolue au fil de la vie.
Tendances environnementales
L’étude toulousaine souligne aussi les tendances environnementales : l’augmentation globale de la prévalence serait liée à des facteurs comme la pollution ou la théorie hygiéniste, qui suggère que la moindre exposition aux microbes dans la petite enfance favorise les maladies allergiques.
« C’est la première fois que l’eczéma du nourrisson est relié à une cause antérieure à la naissance », insiste Nicolas Gaudenzio. Une avancée qui rappelle combien la santé future de l’enfant est intimement liée aux conditions de vie de la mère et qui ouvre la voie à de nouvelles stratégies de prévention et de prise en charge.