Elles étaient environ 150 parties civiles, venues de toute la France, à se plaindre, les 4 et 5 juin 2020, devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne : PME, artisans, professions libérales, associations.

Ce procès hors norme (deux ans d’enquête, 14 avocats) a permis de juger au pénal, pour la première fois en France, l’entreprise Locam. Un organisme de crédit, filiale de la caisse du Crédit agricole Loire/Haute-Loire, qui achète pour les professionnels le matériel (informatique, photocopieurs, sites internet par exemple) dont ils ont besoin, puis les clients paient une location.

L’activité de Locam génère logiquement une part importante de l’activité du tribunal de commerce de Saint-Etienne, la juridiction stéphanoise bénéficiant d’une clause attributive de compétence territoriale pour cette entreprise dont le siège est ligérien.

Le dossier entre les mains de la Cour de cassation

Mais le procès devant le tribunal correctionnel relevait d’un différend autre que commercial. Les plaignants reprochaient à Locam des délits relevant du droit pénal : pratique commerciale trompeuse, non remise d’un contrat au consommateur, non-respect du délai de réflexion.

Trois prévenus ont été jugés durant ces deux jours d’audience : la société Locam en tant que personne morale et deux de ses dirigeants, Gérard Ouvrier-Buffet, directeur général du crédit agricole Loire/Haute-Loire, et Gilles Torrillon, directeur général du groupe Locam. Le tribunal correctionnel de Saint-Etienne a rendu sa décision le 28 juillet 2020 : relaxe pour tout le monde.

Le parquet de Saint-Etienne a fait appel, suivi par les parties civiles. Le deuxième procès s’est déroulé à Lyon en octobre 2023. Le procureur est considérablement monté en gamme dans ses réquisitions en demandant une amende record de 8 millions d’euros (contre 300 000 euros sollicités en première instance à Saint-Etienne).

Cette fois, la condamnation a été au rendez-vous. En février 2024, la chambre correctionnelle de la cour d’appel a sanctionné Locam d’une amende délictuelle de 1,2 million d’euros.

La société a été déclarée coupable dans 102 dossiers. Ses deux dirigeants ont cependant été relaxés. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part tant du parquet général de Lyon que de la société Locam.

Une procédure différente, mais les mêmes griefs

Ce mardi 2 septembre, la société Locam revient devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. À ses côtés, deux autres prévenus : Gilles Torrillon toujours, et Gaëlle Regnard, qui a succédé à Gérard Ouvrier-Buffet.

Si elle génère de nouveau une mauvaise publicité pour Locam, la procédure est néanmoins très différente de celle de juin 2020. Elle s’appuie sur une citation directe, ce qui signifie que c’est la victime présumée de l’infraction et non plus le parquet qui poursuit l’organisme stéphanois. Autre différence de taille, il n’y a qu’une seule plaignante : une avocate de région parisienne, qui a déjà perdu contre Locam au civil.

Les griefs formulés contre la société stéphanoise sont en revanche les mêmes. Et les accusations de la partie civile rappellent celles déjà entendues à Saint-Etienne en 2020 : pratique commerciale d’une société de création de sites internet très insistante, obtention impossible du contrat par la cliente, absence de mention du droit de rétractation. Puis, un beau matin, la mise en demeure par Locam de payer 20 000 euros…

Le procès des « photocopieurs à prix d’or » de Toulon

Me Boris Ayache-Bourgoin, avocat au barreau de Paris et associé au sein du cabinet Harlington, était le conseil d’une grande partie des plaignants au procès stéphanois.

Deux mois après la décision de la cour d’appel de Lyon, il a défendu devant le tribunal correctionnel de Toulon une petite centaine de parties civiles dans le dossier dit des « photocopieurs à prix d’or » : certaines victimes se sont vues réclamer plus de 200 000 euros pour une machine à 1 800 euros.

Le personnel de la société varoise de vente impliquée a été condamné pour escroquerie en bande organisée : quatre millions de dommages-intérêts alloués aux victimes, un million d’euros d’amende pour les sept commerciaux, prison ferme pour le dirigeant et avec sursis pour les salariés (qui ont fait appel).

La société Locam n’était pas mise en cause lors de ce procès, mais Me Ayache-Bourgoin n’hésite pas à faire le rapprochement concernant les méthodes. « Pour nous, c’est clair : la justice a épinglé Locam à Lyon pour ne pas avoir effectué les contrôles requis et laissé prospérer ces pratiques, et les vendeurs/auteurs des contrats frauduleux à Toulon pour avoir mis en œuvre ces pratiques commerciales trompeuses ». Un dossier similaire, où le nom de Locam est cité, a été révélé en 2024 à Limonest (Rhône).

Locam relaxée à Draguignan

Me Michel Trombetta, avocat stéphanois de Locam depuis trente-cinq ans, s’inscrit vigoureusement en faux. « Il n’y a aucun dossier Locam à Toulon ! L’unique condamnation pénale qui nous concerne est celle de Lyon. Une seule autre action au pénal a été intentée devant le tribunal correctionnel de Draguignan. »

Sur citation directe, comme pour le dossier qui arrive cette semaine à Saint-Etienne. « Et Locam a été relaxée, ce jugement étant définitif », précise Me Trombetta.

Les différentes parties au procès attendent désormais la décision en droit de la Cour de cassation, qui devrait intervenir fin 2025 ou début 2026. Et l’audience sur intérêts civils de la cour d’appel de Lyon, censée fixer à l’automne le montant des dommages-intérêts aux 102 victimes reconnues.