« Durant de nombreuses années, nous étions le Petit Poucet désormais, notre objectif est d’être leader mondial », assume Arthur Leroux, Président directeur général d’Enogia, qui ne cache pas les ambitions de la société implantée à Marseille et qui a enregistré 50% de croissance en 2024. Depuis 2009, Enogia se concentre sur le développement de systèmes ORC (Organic Rankine Cycle) capables de convertir les flux de chaleur fatale, ceux qui vont terminer dans l’environnement, en les récupérant pour, ensuite, les revendre sur le réseau électrique ou l’utiliser directement sur place. « Historiquement, nous étions très présents dans les domaines liés aux bio-énergies comme le gaz. Puis, nous avons commencé à accroître notre présence dans la géothermie et le transport maritime dès 2022. En ce début d’année, c’est notamment sur le côté industriel que nous accélérons », explique pour sa part le directeur général, Antonin Pauchet.
L’hydrogène au second plan
Pour ses clients issus des quatre secteurs d’activité que sont l’énergie, la géothermie, le transport maritime et l’industrie, Enogia développe des turbomachines, les microturbules, sur mesure qui transforment la chaleur en électricité. Mais le pari n’était initialement pas celui-ci, puisque la société développait des compresseurs pour les piles à combustible hydrogène. Une activité finalement reléguée au second plan pour se recentrer sur la turbomachine dès 2023. Un « pivot stratégique » que les deux fondateurs justifient par leurs doutes sur l’avenir de l’hydrogène : « Nous avons baissé notre exposition sur l’hydrogène et nous travaillons désormais dans le domaine des cycles de stockage et de production de l’énergie beaucoup plus en vogue que l’hydrogène, car leurs fondamentaux sont plus solides ».
Des doutes, partagés par « les clients et partenaires » qui ont mené au re-fléchage de l’activité et, désormais, à un succès. « Sur les 5,4 millions de chiffre d’affaires de la société au premier semestre 2025, 900 000 euros proviennent de l’activité turbomachine qui est dans une dynamique de croissance extrêmement forte puisqu’en 2022, elle faisait à peine 175 000 euros de chiffres d’affaires l’année entière », souligne Antonin Pauchet. Et le président d’Enogia d’acquiescer, « nous sommes passés d’un modèle d’investissement dans un produit à un modèle de prestation de services ».
Un marché qui se resserre
Cette impulsion, Enogia l’explique par plusieurs raisons. « Alors que l’activité turbomachine hydrogène générait très peu de chiffre d’affaires car les clients du domaine de l’hydrogène n’étaient pas forcément prêts à financer des programmes de développement, les clients du domaine de la conversion et du stockage d’énergie sont prêts à investir », souligne Arthur Leroux, à l’image du contrat signé en octobre 2024 avec la société coréenne Sunbo Unitech, pour le compte de l’électricien national coréen Kepco. Mais Enogia profite également de la conjoncture du marché international pour s’imposer : « Très peu d’acteurs sont capables de développer une turbomachine sur mesure », confie le président, « les géants de la turbomachine comme Alstom ou General Electric le font pour eux mais ne travaillent pas vraiment pour des tiers et il existe peu de sociétés concurrentes », poursuit-il après avoir évoqué la récente faillite de la société concurrente Enertime. Et de conclure, « en France nous sommes les seuls sur le marché à savoir développer une turbomachine pour des tiers ».
Objectif atteint dès mi-année
Mais Enogia jouit également d’une position privilégiée dans des zones précieusement choisies, celles « où l’électricité est plus chère ». Ainsi, elle contourne l’Amérique du Nord et les tensions géopolitiques adjacentes, et se développe davantage en Europe de l’Ouest – Angleterre, Allemagne, Benelux, Espagne, Italie -, et en Asie du Nord – Chine, Corée, Taïwan, Japon. « Nous avons surtout une forte poussée de croissance en Asie et, ce semestre, notamment en Corée du Sud et à Singapour », analyse Arthur Leroux. Un développement porté par des « produits qui gagnent en popularité » qui permettent à la société marseillaise d’agrandir sa clientèle qui comptait, historiquement, « des petits clients notamment dans le domaine de la bioénergie avec des agriculteurs ou des coopératives », mais qui attire de plus en plus de grandes entreprises, notamment dans le maritime à l’instar de l’entreprise française de conception de navires civils, militaires et offshore Chantiers de l’Atlantique ou le chantier naval chinois CSSC. L’occasion, pour Enogia, d’atteindre ses objectifs 2025 – 50% de croissance soit 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, un résultat net comptable positif et un cash-flow positif – grâce à un carnet de commandes largement diversifié et prometteur. « Au premier semestre, les cinq segments enregistrent 8,5 millions de commandes nouvelles et le carnet de commandes, fin juin, s’élève à 17,6 millions d’euros », mentionne Antonin Pauchet, « en un semestre, nous avons fait largement plus qu’une année de chiffre d’affaires en carnet de commandes ». Et de temporiser que si toutes ne sont pas exécutables sur cette année, elles permettent cependant une réelle robustesse.
Actuellement numéro 2 dans son domaine, Enogia se rêve en leader mondial. Pour ses cofondateurs, il ne fait pas de doute que 2025 est une année clé. « Si nous continuons avec cette croissance, je n’ai pas de doutes que nous y arrivions », escompte Arthur Leroux.