Au collège-lycée Saint-Stanislas de Nantes, la rentrée a un goût d’omerta. Sur le parvis de l’établissement catholique situé quartier Talensac, trois policiers surveillent l’entrée des élèves. Malgré les quelques sourires liés aux retrouvailles, l’ambiance est pesante. Vendredi, le diocèse de Loire-Atlantique a fait état de terribles révélations concernant l’établissement. Une dizaine d’anciens élèves révèlent avoir été victimes d’agressions sexuelles, viols, coups et/ou châtiments entre 1958 et 1995.

Ce lundi matin, la quasi-totalité des élèves disent avoir entendu parler de l’affaire. Deux jours avant la reprise des cours, un mail aurait été envoyé aux parents compte tenu des récentes accusations. Le diocèse y invite « les potentielles victimes à témoigner », indique Léon*, 16 ans, avant d’entrée dans la cour de l’établissement.

« Notre époque se doit de révéler de tels agissements »

Salomé* aussi a reçu le fameux mail. Pour cette nouvelle élève de classe préparatoire, ces révélations étaient inattendues. « Psychologiquement c’est un choc, exprime-t-elle, mais c’est important d’en parler, de lever le tabou sur les agressions sexuelles dans les institutions catholiques. Même si ces accusations peuvent entacher l’image du lycée, notre époque se doit de révéler de tels agissements. »

Casque sur les oreilles, Marius*, en première année d’études supérieures, a été moins étonné en apprenant la nouvelle, « je suis scolarisé à Stanislas depuis la 6e, j’ai déjà entendu des rumeurs d’agressions. Certaines sont très récentes mais je me suis toujours méfié des rumeurs qui restent pour le moment infondées », relève l’adolescent. « En ce qui concerne les accusations plus anciennes, je les entends sans pour autant me sentir concerné », confie celui qui affirme ne jamais avoir eu de problèmes au cours de sa scolarité.

Des questionnements, mais un sentiment de sécurité

« Mes parents m’ont parlé de ces accusations tout en me rassurant, admet un autre élève de 17 ans. Les faits datent d’il y a plusieurs dizaines d’années, aujourd’hui le corps professoral n’est plus le même ». Son camarade acquiesce, « j’espère que la rentrée sera l’occasion pour les professeurs de nous apporter plus d’informations et de répondre à nos questions bien que nous ne nous sentions pas en insécurité à Stanislas aujourd’hui ».

Interpellés, l’actuel directeur du collège-lycée Saint Stanislas et le personnel d’accueil n’ont pas souhaité répondre à nos questions, indiquant que toutes potentielles informations supplémentaires seront communiquées par le diocèse. D’après le directeur diocésain, les accusations impliqueraient cinq prêtres et « au moins un membre du personnel éducatif ». Les six personnes mises en cause seraient aujourd’hui toutes décédées. À ce jour, dix victimes auraient signalé des faits. Un homme, qui avait confié les sévices subis à sa famille, s’est suicidé.

Appel à témoignages

Dans le sillage de l’affaire Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) ou du Relecq-Kerhuon (Finistère), ces révélations mettent une fois de plus en évidence les sévices subits par certains élèves dans des établissements catholiques avant les années 2000.

Un appel à témoignages a été lancé par les responsables du diocèse de Nantes. Ils invitent les personnes ayant fréquenté l’établissement, « les établissements scolaires de l’Enseignement catholique de Loire-Atlantique » ou « l’un des trois petits séminaires de l’époque » et qui auraient été témoins ou victimes à se signaler. « Quels que soient l’époque concernée, les délais, le temps passé, aucune agression sexuelle ni aucune violence ne doivent être tues, aucune victime ne doit être réduite au silence, aucune souffrance ne doit rester enfouie si elle peut, par la libération de la parole, être atténuée », ont indiqué vendredi le Directeur diocésain de l’Enseignement catholique et l’évêque de Nantes.

*Tous les prénoms ont été modifiés.