En ce début d’année scolaire, certains parents russes ont délaissé le circuit scolaire classique, lui préférant l’enseignement alternatif, à distance ou à domicile, loin de l’école publique russe – mais sans rompre totalement avec le cursus russe. Près de 190 000 enfants suivent aujourd’hui une éducation hors système, soit dix fois plus qu’en 2016, selon les données analysées par le Centre d’analyse de l’université pédagogique de Moscou, repérées par le média indépendant russe Novaïa Gazeta Europe.

À Moscou, à Saint-Pétersbourg, mais aussi dans des régions “moins attendues” de Russie, comme l’Omsk, ce mode d’apprentissage séduit des profils très différents.

Éviter la propagande

Derrière cette ruée vers l’école à distance, la volonté, chez la plupart des parents, de se prémunir contre la pression idéologique de l’État. “Ils ont habillé mon fils en uniforme de soldat et lui ont donné une kalachnikov pour une fête à l’école, au mois de mai, sans même demander mon avis !” raconte Nadejda, désormais installée au Monténégro.

À Moscou, même frustration pour Arina, professeure d’anglais :

“Dans notre école, la direction a lancé une véritable campagne d’endoctrinement aux ‘valeurs traditionnelles’.”

Mère d’un élève, Arina a d’abord tenté une école publique bien classée, mais a finalement retiré son fils en raison de la charge scolaire.

Le choix de l’enseignement alternatif repose également sur une critique plus structurelle du système éducatif russe, perçu comme inflexible et inadapté à des profils atypiques. Karina, entrepreneuse à Ekaterinbourg, a souvent retiré ses filles plus tôt de l’école pour des cours de danse ou de langues. Face aux remarques répétées de la direction pour cause d’absences, elle a rejoint “un groupe familial” de cinq à dix enfants, avec des enseignants recrutés par les parents et un programme ajusté. “Ici, personne ne crie sur mes filles. Et on adapte les cours à leurs besoins”, se réjouit-elle. Sa petite fille, excellente en mathématiques, mais en difficulté en lecture, bénéficie de cours adaptés. “Dans une école classique, on ne peut pas sortir du cadre”, estime-t-elle.

“Le même code culturel”

Mais beaucoup de familles modestes ne peuvent pas s’offrir cette flexibilité. Les écoles privées coûtent en moyenne 43 700 roubles (environ 460 euros) par mois, selon T-Journal, média d’entreprise en ligne russe, cité par Novaïa Gazeta Europe. D’autres solutions plus accessibles, comme l’enseignement familial ou l’autoformation, existent, à condition de valider des examens annuels.

Pour les familles exilées, ce système représente une manière de maintenir un lien culturel avec la Russie. Maria, partie en Argentine en 2023, a fait le choix d’une éducation locale complétée par des cours dans une école russe en ligne. “Je veux qu’ils comprennent les blagues russes, qu’ils aient le même code culturel que moi, explique-t-elle. Mais pas à [n’importe quel] prix, comme celui du suivi de ces “conversations sur les choses importantes” [des leçons patriotiques destinées à façonner l’opinion des élèves sur la guerre en Ukraine].”