Un incident rare et préoccupant. Fort heureusement, il n’y a eu aucune conséquence. Pas le moindre crash en vue. Même pas un blessé, ni la moindre frayeur à bord à l’atterrissage. Seulement une alerte connue des spécialistes de l’aviation désormais révélée aux yeux du grand public.

L’avion de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a été victime d’un « brouillage GPS » ce dimanche à son atterrissage en Bulgarie. Mais de quoi s’agit-il vraiment ?

« On croyait le GPS miraculeux… Pas du tout ! »

« Il existe deux types de brouillage GPS, nous décrypte Bertrand Vilmer, expert aéronautique au sein du cabinet Icare. Il y a le spoofing, leurrage en français, qui permet de substituer le vrai signal par un autre afin que le récepteur indique une fausse position. C’est une solution sophistiquée mais quasi impossible avec les aéronefs militaires bénéficiant d’un code signal spécifique. L’autre moyen consiste à saturer le signal émis pour qu’il soit illisible par le récepteur. Une solution rustique mais efficace. »

C’est probablement cette deuxième technique, surnommée le « jamming » ou brouillage en français, qui a été utilisé pour perturber le vol d’Ursula van Der Leyen. « Lors de l’approche pour l’atterrissage à l’aéroport de Plovdiv, le signal GPS a disparu », a confirmé le gouvernement bulgare. En d’autres termes, un brouilleur externe, probablement situé au sol, a émis des signaux radio puissants sur les mêmes fréquences que le GPS de l’avion concerné, ce qui a noyé les signaux GPS réels et empêche les récepteurs GPS de l’appareil de les capter.

Une méthode devenue « une manie » depuis quelques années selon Michel Polacco, ex-pilote et spécialiste de l’aéronautique. « On n’est plus du tout à l’abri du brouillage GPS alors qu’il y a 25 ans, quand on développait le GPS, on avait l’impression que c’était miraculeux… Mais pas du tout ! Aujourd’hui, tout le monde brouille partout tout le monde », assure l’auteur du livre « Pourquoi des avions s’écrasent-ils encore ? ».

Un constat partagé par les institutions références de l’avion. L’Académie nationale de l’air et de l’espace (AAE), l’organisation de l’Aviation Civile internationale (OACI), ou encore l’association internationale des compagnies aériennes (IATA) alertent depuis plusieurs années sur la vulnérabilité du GPS face au brouillage.

Un brouillage politique

En cause notamment ? Les zones de conflits. « Quand vous passez à proximité de zones de guerre, vous êtes bien plus exposés à ces brouillages GPS, offensifs ou défensifs, que ce soit ciblé sur votre avion ou non », ajoute Michel Polacco, qui cite la mer Baltique ou encore la mer Noire comme les hauts lieux du brouillage GPS. L’exécutif européen estime également ce type d’incident était récurrent en Europe de l’Est.

Pas étonnant donc de voir la Russie citée d’ores et déjà comme responsable de l’incident de ce dimanche. « Les autorités bulgares nous ont informés qu’elles soupçonnaient que cela était dû à une ingérence flagrante de la Russie », a déclaré ce lundi une porte-parole de la cheffe de l’exécutif européen, Arianna Podesta. Hasard ou coïncidence, Ursula van Der Leyen arrivait en Bulgarie pour visiter notamment une usine de munitions destinées à l’Ukraine.

Si Ursula van Der Leyen était peut-être visée, la technique du brouillage GPS consiste à perturber, désorienter… Mais pas à tuer. Selon les deux experts que nous avons interrogés, aucun crash d’avion n’a déjà été causé par ce type de brouillage.

« Les pilotes sont directement prévenus par une alarme sur leur système de navigation. Ils sont tout de même équipés avec des systèmes d’aide à l’atterrissage et d’aide à la navigation qui restent fonctionnels. Et puis il y a toujours les cartes papiers si besoin, explique Michel Polacco. Pour qu’il y ait un vrai risque important, il faut que l’avion soit dans une zone où il y a extrêmement peu d’aide à l’atterrissage au sol, que la météo soit très mauvaise et qu’il n’y ait aucune possibilité de se dérouter. »

De quoi expliquer pourquoi l’avion d’Ursula van Der Leyen s’est posé « sans difficulté » aucune grâce aussi à « une approche alternative à l’aide de moyens de navigation terrestres » proposée par les services de contrôle aérien selon le gouvernement bulgare. Un brouillage inefficace… Sauf pour causer de nouvelles turbulences diplomatiques.