Lire la suite de l’article
« Paul Seixas a confirmé son talent »
Bonjour Cyrille Guimard, cela faisait un petit moment depuis le Tour de France, non ?
Oui, c’était un peu les vacances pour les suiveurs de vélo, même si l’actualité ne manquait pas. Personnellement, je me suis bien reposé, je n’ai pas été très fatigué, parce que j’ai surtout regardé la télévision !
Et depuis il y a eu le Tour de l’Avenir…
Le Tour de l’Avenir a été très beau, avec des Français bien présents. Paul Seixas a confirmé son talent, déjà connu depuis ses années juniors, mais cette fois il a franchi un cap supérieur. Thomas Voeckler envisage même de l’intégrer à la sélection pour les prochains Championnats du Monde, qui s’annoncent très exigeants.
Concernant Paul Seixas, malgré le fait qu’il n’ait pas remporté les deux étapes de montagne, il a gagné les deux contre-la-montre. Est-ce le type de performance que vous attendiez, sachant qu’il a dit ne pas être à 100 % ?
Oui, j’ai vu ses déclarations. Dire qu’on n’est pas à 100 % n’est pas forcément bien vu par ses adversaires ! Mais à 90 %, c’est déjà impressionnant. Peu importe, il est jeune et peut faire quelques erreurs de communication. Il aura les moyens de montrer son meilleur niveau dans les années à venir. Avec Léo Bisiaux, Aubin Sparfel, Maxime Decomble, Lenny Martinez… la relève française semble prometteuse pour les classements généraux des Grands Tours.
Je me suis dit : « Gaudu est en train de devenir un guerrier », sauf que…
David Gaudu a marqué les premiers jours de la Vuelta. On l’a vu combatif, puis retombé dans ses travers. Qu’en pensez-vous ?
J’avais senti un moment, surtout quand il a été chercher le maillot de leader, qu’il s’était battu comme un chiffonnier pour reprendre des points à Vingegaard. Je me suis dit : “Gaudu est en train de devenir un guerrier.” Sauf que ça n’a duré qu’un petit printemps. Il est retombé dans ses travers et dans les profondeurs du classement. Il dira sans doute que c’est pour aller chercher des échappées et viser une victoire d’étape. Je l’espère. Mais c’est quand même décevant. Dans les deux étapes difficiles derrière, il a été décroché à la pédale.
Est-ce que cette semaine de Vuelta ne résume pas finalement la carrière de Gaudu : capable du meilleur comme du pire, sans explication claire ?
Oui, ça résume bien. Il avait fait une très belle quatrième place sur le Tour de France il y a quelques années, mais depuis, ses résultats n’ont pas été extraordinaires. Quel est son vrai niveau ? On peut poser la question. Une chose est certaine : ce n’est pas un vrai leader. J’ai envie de dire que c’est un faux leader. Mais ce n’est pas un équipier non plus. Où est sa place ? Difficile à dire. Si j’étais directeur sportif, je saurais. C’est simple : soit il devient équipier d’un grand leader, soit il change d’équipe.
« Vingegaard n’a plus d’adversaire sur ce Tour d’Espagne »
Si Gaudu n’est plus en course pour le classement général, Vingegaard, lui, est bien placé, deuxième derrière Torstein Traeen. Comment analysez-vous sa course ?
Il court pour gagner la Vuelta. Il fait les efforts qu’il faut, au bon moment. Pour moi, il est ou il va être intouchable. Almeida reste une menace, mais j’ai presque envie de dire que ça s’arrête là. Ayuso est de temps en temps présent pour une victoire d’étape, puis se met en RTT. Ce qui lui a d’ailleurs été reproché par Almeida. Ce n’est pas un coureur fiable. Donc pour moi, Vingegaard n’a plus d’adversaire sur ce Tour d’Espagne.
Vous vous attendez donc à un défilé Vingegaard jusqu’à l’arrivée, avec plusieurs victoires d’étape ?
Tout dépend s’il est gourmand. Mais je ne pense pas qu’il prendra des risques. Ce n’est pas dans sa nature de jouer au cow-boy. Les étapes les plus difficiles n’ont pas encore eu lieu, donc oui, il ira chercher d’autres victoires et enrichir son palmarès.
En France on évoque peu Juan Ayuso, mais en Espagne il fait beaucoup parler. Il a semblé se relever volontairement pour ne pas viser le général, puis il a gagné une étape de façon impressionnante. Il a aussi laissé entendre qu’il ne voulait pas aider Almeida. Qu’est-ce qui se passe ?
Je pense qu’il est déjà partant. On l’annonce chez Lidl-Trek. Dans la mesure où il va quitter UAE, il est un peu démobilisé collectivement. On peut aussi se demander s’il est vraiment solide mentalement. Il vivait seul à Andorre à 18 ans. Est-ce qu’il y a des carences psychologiques ? Je n’ai pas les réponses, mais on peut s’interroger. Changer d’équipe est une bonne chose à mon avis. Lidl-Trek est solide, saine, avec un vrai patron comme Pedersen, que j’apprécie beaucoup. Est-ce que c’est la bonne destination ? L’avenir nous le dira. Mais je ne suis pas certain qu’il réalise la carrière qu’on imaginait.
Restons sur les transferts : celui qui a été officialisé, c’est Remco Evenepoel chez Red Bull-BORA-hansgrohe. Qu’en pensez-vous ?
Son équipe n’était pas construite autour de lui, ce n’est pas la culture Lefevere. Je le sentais un peu démotivé depuis son accident il y a quelques mois. Il n’a jamais retrouvé totalement son niveau. Peut-être a-t-il besoin de changer de climat, de culture, d’atmosphère. La question se pose d’ailleurs sur ces coureurs qui arrivent très jeunes, à 17-18 ans. Est-ce qu’ils sont assez mûrs pour encaisser la pression, la médiatisation, le statut de star ? On peut se demander si ça ne raccourcira pas les carrières. Pour Evenepoel, le changement peut être bénéfique, mais est-ce qu’il trouvera ses marques dans une culture germanique ? Pas sûr. Beaucoup d’interrogations.