Parmi les annonces faites à l’issue du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité [CFADS], qui s’est tenu le 29 août à Toulon, celle concernant l’amorce d’un dialogue stratégique entre Paris et Berlin sur la dissuasion nucléaire a particulièrement retenu l’attention, d’autant plus que, en mars dernier, le président Macron s’était de nouveau dit prêt à avoir ce type de discussion avec « plusieurs partenaires » européens, compte tenu de la dégradation du contexte sécuritaire international.

Selon les conclusions de ce CFADS, publiées par le bureau du chancelier allemand, Friedrich Merz, la France et l’Allemagne ont ainsi souligné que « dissuasion nucléaire est la pierre angulaire de la sécurité de l’Alliance » atlantique et que les forces stratégiques « indépendantes » françaises y contribuaient « significativement ».

Aussi, compte tenu de la situation sécuritaire et pour « développer [leur] culture stratégique commune et mieux articuler [leurs] objectifs et stratégies de sécurité et de défense », les deux pays vont donc engager un « dialogue stratégique sous l’égide de la Chancellerie fédérale allemande et de la Présidence de la République française, avec la participation des ministères des Affaires étrangères et de la Défense », précise le document.

Ce « dialogue stratégique » pourrait se traduire par un renforcement de la coopération entre l’Allemagne et la France en matière de « recherche et d’acquisitions militaires », sur la « base des besoins capacitaires nationaux, de l’Otan et de l’Union européenne ».

Justement, s’agissant des coopérations franco-allemandes dans le domaine de l’armement, lesquelles font actuellement l’objet de tensions entre les industriels impliqués, le document n’en dit pas grand chose… Si ce n’est que la France et l’Allemagne « restent attachées au développement du Système Principal de Combat Terrestre [MGCS, Main Ground Combat System] », l’objectif étant de lancer « une phase de recherche financée de manière adéquate afin de garantir sa disponibilité […] à partir de 2040 ».

Quant au Système de combat aérien du futur [SCAF], les deux parties sont convenues de « trouver des solutions pour surmonter les défis liés à ce programme » et de prendre « les mesures appropriées d’ici la fin de l’année afin de respecter l’échéance de capacité initiale de 2040 ». À noter que le projet MAWS [Maritime Airborne Warfare System] est définitivement sorti des écrans radar, l’échec de cette coopération franco-allemande dans le domaine de la patrouille maritime, lancée en 2017, étant définitivement acté.

Cela étant, Paris et Berlin ont l’intention de nouer une nouvelle coopération en matière d’alerte avancée et, donc, de défense aérienne. En juillet, les ministres français et allemand de la Défense, Sébastien Lecornu et Boris Pistorius, avaient estimé que bâtir une telle capacité, censée permettre la détection rapide de missiles, était plus que jamais nécessaire au regard de l’évolution des menaces.

Ce système d’alerte précoce doit reposer sur le projet européen ODIN’S EYE, dont la coordination a été confiée à l’allemand OHB System AG en 2021. Il s’agit de développer une capacité de détection de missiles balistiques et hypersoniques depuis l’espace.

Désormais, il est question de compléter ODIN’S EYE par un réseau de radars terrestres, dans le cadre d’un projet appelé « JEWEL » [bijou, en anglais]. C’est en effet l’option qui a été évoquée lors du dernier Conseil franco-allemand de défense et de sécurité.

« Afin de doter l’Europe d’un système d’alerte précoce complémentaire, l’Allemagne et la France prévoient de lancer une initiative […] comprenant deux piliers : un système spatial d’alerte avancée contre les missiles, basé sur le projet ODIN’S EYE, et un réseau de radars terrestres s’appuyant sur les technologies existantes et futures », lit-on dans le document publié par la Chancellerie fédérale allemande.

Selon la même source, un protocole d’accord [MoU] est en cours d’élaboration et il est question d’ouvrir ce projet à d’autres « partenaires ».

Reste à voir en quoi consistera le projet « JEWEL », sachant que la stratégie du ministère des Armées pour la Très Haute Altitude [THA] explique que la participation française au programme européen ODIN’S Eye permettra de compléter le radar transhorizon expérimental Nostradamus, qui s’étend sur 12 hectares en Normandie.

Photo : THALES