De nouvelles données fédérales révèlent un bouleversement discret mais profond du marché de l’emploi aux Etats-Unis. Selon une analyse du Pew Research Center, basée sur les chiffres du Census Bureau et relayée par CBS News et AP News, le nombre de travailleurs immigrés a chuté de 1,2 million entre janvier et fin juillet. Une baisse qui reflète à la fois le ralentissement des arrivées et l’intensification des expulsions sous Donald Trump.

Les immigrés représentent près d’un cinquième de la main-d’œuvre américaine, avec un poids décisif dans certains secteurs : près de la moitié des travailleurs agricoles, 30 % des ouvriers du bâtiment et près d’un quart des employés des services. Cette baisse, bien que marginale à l’échelle des 171 millions d’actifs, pourrait fragiliser les Etats et filières les plus dépendants de cette main-d’œuvre. Les économistes soulignent que les immigrés, souvent en âge « prime » de travailler (25-54 ans), jouent un rôle clé pour compenser les pénuries et se déplacent plus facilement vers les Etats où la demande est forte.

L’effet domino des politiques migratoires

Donald Trump avait promis une politique ferme en matière d’immigration. S’il affirme cibler en priorité les criminels, la majorité des personnes interpellées par l’ICE n’ont pas de casier judiciaire. Le nombre de franchissements illégaux à la frontière a fortement reculé, tandis que le volume global de la population sans-papiers, estimée à 14 millions en 2023, commence à décliner. Oxford Economics prévoit que la tendance se poursuive, avec une immigration nette limitée à environ 500.000 personnes par an jusqu’en 2028.

Dans les exploitations agricoles du Texas et de Californie, la crainte des descentes de l’ICE paralyse les travailleurs. Certaines récoltes de fruits et légumes ont été perdues faute de main-d’œuvre, et des ouvriers agricoles ont été arrêtés jusque dans des lieux du quotidien. Le secteur du bâtiment n’est pas épargné : les données gouvernementales montrent un recul de l’emploi dans la construction dans près de la moitié des métropoles américaines, notamment en Californie. Les employeurs affirment qu’ils embaucheraient davantage s’ils trouvaient suffisamment de candidats disponibles.

Un risque pour les soins et l’économie locale

Outre l’agriculture et du bâtiment, la santé est particulièrement exposée. En effet, près de 43 % des aides-soignants à domicile sont immigrés, tout comme la moitié des employés des maisons de retraite affiliés au puissant syndicat Service Employees International Union (SEIU) en Californie. Une baisse continue de ces effectifs pourrait compliquer la prise en charge de millions de seniors américains. Par ailleurs, la raréfaction de la main-d’œuvre immigrée modifie aussi la lecture des données macroéconomiques.

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Les économistes rappellent que les immigrés contribuent à plus de la moitié de la croissance de l’emploi aux Etats-Unis. Leur absence donne l’illusion d’un marché du travail plus tendu qu’il ne l’est réellement, ce qui complique l’évaluation de la conjoncture par la Réserve fédérale. En bref, si l’administration Trump atteint son objectif politique, c’est au prix d’un déséquilibre croissant dans des secteurs stratégiques. Un pari risqué alors que la croissance américaine repose en grande partie sur la capacité du pays à attirer, intégrer et retenir sa main-d’œuvre immigrée.